Parc national – 12h42.
Il fait plus de trente degrés. Vous êtes tranquillement allongé sur l’herbe quand quelque chose s’interpose entre vos paupières fermées et l’astre solaire. Curieux, vous ouvrez les yeux et voyez devant vous un homme que la chaleur ne semble pas gêner tant son accoutrement est peu adapté au climat.
« Qui porte une armure lourde de nos jours ? Un héros peut-être. » Et pourtant, notre protagoniste n’en est pas un.
Le presque trentenaire est professeur de mécanique au lycée Yuei, preuve que l’armure ne fait pas le chevalier. Alors que vous vous éveillez lentement, une voix claire et anormalement aiguë vous interpelle. C’est celle du grand blond au nez aquilin qui vous fait face. L’homme se présente, son nom excessivement long et son air pompeux ne manquent pas de vous faire esquisser un sourire.
« Marc-Antoine Archibald de l’Épée. Décidément … Ses parents ne devaient pas l’aimer celui-là ». D’après ses dires, le pseudo chevalier s’est perdu. Incapable de retrouver son chemin, il quémande votre assistance non sans une certaine gêne et vous révèle malgré lui un de ses plus grand défauts : le professeur d’origine française a un sens de l’orientation désastreux. Et ce n’est pas là sa seule tare. Le fantasque mécano de la Yuei est un tantinet mégalomane, hautain et méprisant. Par principe, il ne manquera pas une occasion de vous faire comprendre à quel point vous êtes nul, ou en tout cas moins bon que lui. Et cela quand bien même c’est faux. Car, qu’on se le dise, Marc-Antoine n’excelle pas dans un grand nombre de domaines. C’est un très bon mécanicien, un excellent inventeur, un beau parleur et … C’est à peu près tout.
Le bougre aurait aimé être un héros digne de ce nom mais n’a pas les qualités requises pour obtenir ce titre. Le grand blond d’un mètre quatre-vingt-neuf est faible, ne possède pas d’alter et a peur de bien trop de choses pour espérer devenir un jour un représentant de la justice. Les araignées, le vide, l’eau, l’huile, les poissons gras, les vers de terre, les objets visqueux ou gluants : toutes ces choses peuvent provoquer chez Marc-Antoine des crises de panique.
Intrigué et désireux d’aider votre prochain, vous vous levez et désignez du doigt la direction à emprunter. Cela ne suffit cependant pas à votre interlocuteur qui – en bon pot de colle lourdingue – vous demande plus amples explications. Après avoir poussé un long soupir, vous décidez d’accompagner le chevalier. Le lieu qu’il souhaite rejoindre n’est pas très loin d’ici en plus d’être sur votre chemin.
Vous constaterez assez vite que Marc-Antoine n’a pas sa langue dans sa poche. En cinq minutes de marche, il a débité pas moins de cinq cent mots. Sa diction est rapide et le jeune Français ne déglutit que très rarement. C’en est d’ailleurs presque inquiétant. En substance, ce qu’il raconte n’a rien de très intéressant. Marc-Antoine aime parler de lui et se mettre en valeur. Vous soupçonnez d’ailleurs qu’il exagère certains traits de son histoire afin de la rendre plus chevaleresque.
Le professeur de mécanique est un grand menteur. L’homme produit des bobards en grand nombre, certains faciles à discerner, d’autres moins. Quoiqu’il en soit, vous avez abandonné l’idée de converser avec lui et le laissez donc monologuer dans son coin. Cela tombe bien car Marc-Antoine adore monologuer. C’est avec la création d’objet et la musique une de ses grandes passions.
Notre héros a beau être né en France, parler dans une autre langue ne le dérange guère. Bien sûr, son accent peut gêner et il lui arrive d’écorcher quelques mots mais cela ne gêne en rien la compréhension. C’est du moins ce que la plupart des gens d’ici lui disent. Au grand désespoir des populations japonaises, anglophones, francophones et même germanophones, Marc-Antoine est bon en langue. À ce titre, il est en mesure de communiquer convenablement dans celles citées ci-dessus.
Une fois arrivé à destination, vous saluez l’homme qui vous accompagne et prenez congé de sa personne. Ne plus avoir Marc-Antoine dans les pattes est pour vous un soulagement. Nul doute que ce M. de l’Épée est attachant pour quiconque le connaît mais un inconnu aura vite fait de perdre patience. De la patience, il en faut pour pouvoir supporter Marc-Antoine. Ceci-dit, malgré ses nombreux défauts, le Pédant est quelqu’un qu’il peut être bon de compter parmi ses amis. Effectivement, l’homme a bon fond. Il lui arrive d’aider son prochain quand cela ne nuit pas à ses intérêts et peut parfois faire preuve de génie dans sa façon de régler les soucis d’autrui – ou les siens. Sa plus grande peur, bien qu’il n’osera jamais l’avouer, est de finir seul, oublié et insignifiant. Marc-Antoine nourrit l’espoir d’un jour réaliser un acte qui, d’une façon ou d’une autre, le fera rentrer dans l’histoire. Ayant bien compris qu’il ne deviendrait jamais un héros, il est devenu mécanicien afin d’aider ceux qu’il admire à accomplir les prouesses qu’il n’est pas capable de réaliser lui-même. En bon parasite, il aspire à entrer dans la postérité en bonnifiant les compétences d’autrui.
Entêté de nature, il est du genre à ne pas abandonner une idée qui pour d’autres peut paraître farfelue. Ceci-étant, une de ses phrases préférées est : « On ne change pas une équipe qui perd. » Notez par ailleurs que Marc-Antoine aime beaucoup parler par énigmes ou par dictons. D’après lui cela lui donne « un air cool ». En vérité, cela a surtout le don d’agacer ses interlocuteurs.