[AV/T - L] Kiyomizu Seto - Outburst

Le souffle haletant, il courrait, quasi-nu dans les couloirs de cet entrepôt. L'homme ? L'adolescent ? Il n'osait pas se retourner, regarder derrière lui. Boitillant, il essayait d'oublier la douleur déchirant son visage pour continuer sa course. Une fuite. Ses yeux hurlaient à la vie, ils s'y accrochaient, là-bas au loin, à chacune des portes qu'il franchissait, à chaque escalier qu'il descendait ou grimpait. La sortie était là, quelque part, il en était sûr. Pourtant, il ne pouvait s'arrêtait pour observer les plans poussiéreux encore accrochés sur les murs. Derrière lui, il l'entendait. Le fracas des chaises, poubelles, et autre objet en tout genre. Le claquement de ses chaussures cirées sur le sol. Le moindre bruit l'effrayait. Il était sur ses pas. « j'veux pas finir comme eux, par pitié... » se répétait-il sans cesse.

Il entendait encore les hurlements de supplication tandis qu'il avait les yeux bandés. Une chaleur épouvantable. Le craquellement des os... qui se brisaient à mesure que leur agresseur énuméré les actes pour lesquels ils se retrouvaient "punis". Lorsqu'il put voir, bien qu'ébloui par l'unique spot de la pièce, son corps ne supporta pas le spectacle. Son cœur s'était emballé, son estomac, retourné. Sa bile était venue couvrir son jean troué. Ses amis étaient méconnaissables. Quatre corps étendus sur le bitume, défigurés, carbonisés... Du sang. Le sol en était recouvert. Une carcasse encore embrasée et couverte d'une substance rongeant peu à peu sa masse informe. Ses os eux-mêmes tremblaient d'effroi. Une bête sauvage,... mais il ne la vit pas. Où était-elle. « Alors... qui est qui selon toi... ». Cette voix. Elle résonnait d'une bestialité horrifique. Sa respiration s'intensifia. Ses yeux s’excitèrent, cherchant l'origine de ces mots... lorsque soudain, devant lui, il la vit rouler jusqu'à ses pieds, sortant de l'ombre... son regard plongea dans celui de ce crâne dont le visage dégouliné le long de la paroi osseuse et sur lequel était encore figée une douleur indescriptible. La peur s'empara de son esprit et l'agitation, de son corps. La chaise se renversa, se brisant sur le sol. Il était libre... Son instinct de survie prit alors le dessus, ses jambes l'emmenant le plus loin possible.
Cet homme était sorti de nul part. Ils l'avaient pris pour l'un de ces bureaucrates gérant les affaires de la famille depuis un bureau. Une sorte d'huissier se prenant pour un cador, qui était sorti pour prouver qu'il pouvait régler les problèmes lui-même... Tout porter à croire à un tel scénario. Son visage. Bien trop lisse, bien trop fin pour être celui d'un chien de garde. Son allure toute aussi fine et élancée. Son costume noir, impeccable digne de la plus grande maison couturière italienne. Même ce regard méprisant aurait pu être celui d'un fonctionnaire bien trop confiant de par sa position.

La réalité était toute autre. Il ne s'agissait pas d'un excès de zèle. Cet homme n'était pas un donneur d'ordre, mais un exécutant. Plonger dans son regard avait suffit à leur faire comprendre l'erreur de leur jugement. Il avait devant un eux, un monstre soignant ses apparences. D'une violence inouïe, terrifiante. Durant sa course, un nom lui revint en tête. Un individu travaillant pour les Yamato depuis un ou deux maintenant, dont la personnalité était aux antipodes de son physique. Une personne réputée pour ses coups de sang et ses accès de rage d'une rare brutalité. Il se voulait incarner la colère brûlante du clan. Un être instable, à l'apparence pourtant si équilibrée. « On ne berne pas le clan ». Ces simples mots avaient reflété l'étendue de la loyauté que leur bourreau pouvait avoir envers cette famille qu'ils avaient essayé de rouler... Il était trop tard. Il savait que leur corps ne serait jamais retrouvé.


Un contraste cassant. Présenté comme un être violent, colérique, impulsif, dangereux... Pourtant, force est de constater qu'il ne le porte pas sur lui. Un mètre soixante-six de fierté, de droiture, d'honneur, au sommet duquel trône une couronne dorée et toujours vêtu d'une tenue impeccable. Une allure fine, élancée, pouvant même paraître frêle, fragile. Le menton levé, son regard de braise toujours pointé vers l'horizon. Un visage fin, à l'expression impérieuse, aux imperfections rares. Pourtant, la sévérité de ses traits laissaient parfois place à un fin sourire timide, à de la compassion, mais seuls quelques privilégiés pourront en parler. Pourtant, ce même faciés pouvait se tordre d'une rage indescriptible. Mué par une colère que lui-même ne savait gérer, son regard se vidait de tous ressentiments, s'embrasant d'une volonté destructrice. Mâchoire serrée, ses bras trépignaient, ses jambes tremblaient, comme si ses membres étaient animés par leur propre intention... A cet instant précis, alors que sa respiration pouvait paraître s'arrêter, l'homme laissait place à la bête.

Outburst était un nom qui commençait à faire son bout de chemin dans l'organisation des Yamato. Connu pour les raisons déjà pré-cité, à savoir ses exactions violentes et sa rage explosive, limiter Seto à de tels adjectifs seraient incroyablement réducteur. Que ce soit par le passé ou dans le présent, il a été capable d'amour, notamment fraternel. A défaut de recevoir celui de ses parents, il a développé une affection toute particulière pour son frère - seul vestige de sa vie d'antan - et celui qui aujourd'hui est son seul véritable ami... allant jusqu'à le considérer parfois, lui aussi comme son frère. Un lien qui le maintien dans le "droit" chemin si l'on peut l'appelait ainsi et de ne pas sombrer définitivement dans l'ivresse de sa colère. Impulsif depuis son enfance, sa colère avait une facilité déconcertante à s'embraser et s'avérait être incroyablement difficile à maîtriser. Si aujourd'hui il parvient à la tempérer, il peut facilement exploser et perdre la raison, se laissant aveugler par cette dernière. Depuis toujours, ce sont ces "liens", qu'il a su forgé avec des êtres bien particuliers, qui ont su le faire garder pied.

Seto, un prénom signifiant "endroit où la rivière coule rapidement". Aller chercher pourquoi ses parents ont décidé de le nommer ainsi, mais s'il était bel et bien un cours d'eau, celui-ci serait ardent et tonitruant. Il n'a que peu de souvenir de son enfance lointaine et de sa mère, son père lui ayant toujours raconté qu'elle les avait abandonnée. Cette période de sa vie fut l'une des plus belles. Son père n'avait que lui et Seto n'avait que son père. Un amour véritable et profond qui pourtant se mua en quelque chose de bien plus nuancé le jour où son Alter se révéla. Il se souvient encore de ce regard où se mêlaient bien trop d'émotions pour qu'il n'y comprenne quelque chose,... mais une chose était sûre, ce n'était plus celui d'un père n'ayant QUE de l'amour pour son fils. Rapidement, l'enfant devint ingérable pour Kazuhiko. Ses caprices devenaient fréquents, et parfois même violent, laissant surgir des bribes de ses pouvoirs... Heureusement, sa rencontre avec une jeune femme vint lui apporter un soutien inestimable. Ils se prirent d'une affection toute particulière jusqu'à fonder une nouvelle famille. Seto s'y découvrit un frère.

Le gamin qui n'avait pourtant que six ans, désirant déjà devenir un héros et poursuivre les destins des plus grands de son ère, se sentit déjà investi de sa première missive héroïque : protéger ce petit être âgé de quatre ans de moins que lui. L'innocence se dégageant de cette fragile enveloppe avait su couvrir son tempérament si inflammable d'une volupté ignifugée qu'il allait chérir pendant un long moment. Seto prit à cœur de combler les besoins de son petit frère pendant longtemps tout en essayant de suivre un cursus scolaire classique, avec pour objectif de rejoindre Yuei. Malheureusement, si à la maison, la simple présence de son frère suffisait à lui faire oublier les petites contrariétés du quotidien, à l'école, la situation était bien plus compliquée. Verbalement agressif au début, il finit par participer à des rixes d'écoliers bien trop fréquemment pour défendre... même si son intention était d'apporter de l'aide à ceux ne pouvant se défendre seul dans la cour de récréation, il portait généralement le premier coup, lui valant ainsi réprimandes et punitions. Les tensions qui commençaient à naître à l'école, ne tardèrent pas à se répercuter chez lui. L'ambiance familiale se dégrada peu à peu, du moins entre lui et ses parents. Les notes bien trop justes, son comportement inacceptable selon eux. Seto devint rapidement le "mouton noir". Il était facile et rapide de rejeter la faute sur le garnement dont l'impulsivité n'était plus à prouver. L'injustice commença aussi à pointer le bout de son nez. Étonnamment, son demi-frère ne subissait que trop rarement de punitions malgré les bêtises qu'il pouvait faire. Elles tombaient dans l'oubli... du moins quand elles n'étaient pas finalement reportées sur Seto. Ce n'est que plus tard qu'il comprit l'origine de ce phénomène - à savoir l'Alter de belle-mère -.

Les disputes se multiplièrent et devinrent de plus en plus virulentes à mesure que l'aîné grandissait. À plusieurs reprises, Kazuhiko et son propre fils faillirent en venir aux mains. Si Seto était parvenu à entrer à Yueï en redoublant d'efforts que ce soit pour les notes ou pour son comportement, jamais il n'obtint la reconnaissance de son père. Une certaine souffrance en résulta, mais l'admiration que lui portait Hidejiro lui suffisait pour le moment. Au sein de l'Académie et à la maison, Seto était totalement différent. Là où ses efforts étaient visibles dans le cursus héroïque, les murs du foyer n'étaient plus assez épais pour étouffer les hurlements se dégageant des altercations entre lui et son père . La mère d'Hidejiro se tenait toujours à l'écart de leur histoire... jamais elle ne s'était réellement immiscée dans leur relation. Du moins en apparence, car en usant de son Alter pour épargner la colère de son mari à son fils, elle faisait de Seto le catalyseur de cette dernière.

Un jour, il surprit une discussion entre son frère et sa belle-mère. Pour la première fois, il entendit cette dernière hausser le ton à l'égard de son fils, essayant de le dissuader de son souhait de devenir un héros. Une fois de plus, elle accusa Seto de l'avoir orienté sur cette voie qu'elle estimait bien trop dangereuse. Chacun de ses mots claquait d'une fatalité qu'il avait prise comme compagne... pour cette famille il était destiné à représenter le malheur. Néanmoins, Hidejiro prit sa défense, une réaction qui eut le mérite de le faire sourire... avant que la vérité ne le rattrape. Même s'il son petit frère ne pensait pas à mal et ne savait pas que Seto écoutait, les mots qu'il employa et la réalité qu'il venait de dépeindre serra le cœur du jeune apprenti héros. « [..] il me fait mal des fois quand on se bat mais je l'aime beaucoup ». De cette phrase, il ne retint que les premièrs mots. Assommé. Désorienté. Résigné. Sa décision fut prise, il quitterait le foyer familial à la fin de ses études, espérant laisser à son frère - pour lequel il portait un amour indescriptible - l'espoir de vivre une vie meilleure.

Redoublant d'efforts, Seto obtint son diplôme. Il avait réussi, malgré ses "conneries" à obtenir le mérite nécessaire à l'obtention de ce titre. Il allait pouvoir devenir ce qu'il a toujours rêvé d'être : un héros. L'entièreté de ses problèmes s’envola au profit de l'euphorie. Un excès de naïveté le poussant à croire qu'enfin ses parents seraient fiers de lui. Désillusion. Du haut de la falaise, la chute fut terrible. Cinglants, les propos de son père déchirèrent son âme à jamais. Monstre, déchet, rebut, erreur, abomination... Voilà ce qu'il était donc pour l'homme l'ayant élevé. Jamais il ne pourrait être un héros. Le cœur de Seto semblait s'arrêter. De son corps, une chaleur brûlante commençait à se dégager. Puis, sous ses yeux, Kazuhiko déchira le "bout de papier" pour lequel son fils avait fait tant d'effort, et jeta son permis de héros dans le feu de la cheminée. Cette scène repassa en boucle devant ses yeux pendant quelques secondes, avant que brusquemment plus aucun son ne parvienne à ses oreilles. Il n'entendait plus que son propre rugissement de rage fulminant en son sein. Son poing se mit à rougir, la chaleur ne faisait qu'augmenter, agitant l'atmosphère de la pièce. Puis sa raison parti en fumée. Ses phalanges enflammées s’apprêtèrent à s'écraser sur le visage de celui qu'aujourd'hui il haïssait plus que tout au monde. Seulement, au fond de la pièce, son regard plongea dans celui qu'il chérissait plus que tout au monde. Aussitôt, son mouvement se stoppa, son corps rougeoyant reprit une teinte normale. Il fit demi-tour, entendant son père gronder qu'il n'était qu'un lâche... Un aller-retour dans sa chambre, sac sur l'épaule, passa aux côtés de son frère, une tape amicale sur le sommet du crâne. Seto aurait aimé lui dire un dernier mot, s'excuser, mais il n'en fut rien. Peut-être l'était-il finalement, lâche... Il ferma la porte de la maison, essuyant d'un revers de la manche, les larmes ruisselantes sur ses joues.

Rien ne pouvait plus retenir sa colère. Errant dans les rues, il faillit devenir un animal dont le seul maître était cette rage inextinguible l'habitant. Plusieurs fois, il fut mêlé à des bagarres entre SDF, l'étant devenu lui-même. Plus le temps passait, plus il perdait son identité. Cette colère qu'il laissait maintenant éclater était une façon pour lui d'oublier sa souffrance, le rejet. Bientôt, il trempa dans une affaire de trafic de drogue, seul moyen qu'il avait trouvé pour gagner un peu d'argent. Sans le savoir, il travaillait pour les célèbres Yakuza... Un conglomérat de familles mafieuses japonaises contrôlant une bonne partie des activités illicites du coin. C'est cette même organisation qui sera à l'origine de sa "réhabilitation". Le destin le mit sur le chemin d'un certain Yamato Fuyuhiko. Un jeune homme qu'il sauva - sans même le vouloir - d'une rixe, rarement aussi violente, dans un quartier populaire de Tokyo. La simple démonstration de son Alter a suffi au jeune blondinet pour vouloir s'offrir les services de Seto. D'abord comme un simple larbin... puis à mesure que les deux jeunes hommes se côtoyaient, un lien commença à se tisser, devenant de plus en plus proche. Fuyuhiko - en réalité le fils de l'oyabun du clan - parvint à muer la colère du Kiyomizu en une arme, une force, tandis que Seto vit en ce clan, une façon de reprendre le contrôle sur sa vie.

Rapidement, leur relation devint forte. Devenant pour l'un et pour l'autre plus qu'un employeur et un employé. Ils devinrent amis, des amis proches. Malgré le tempérament explosif de Seto, Fuyuhiko parvint à le faire accepter au sein du clan et à le garder à ses côtés comme "garde du corps". Pour cela, le jeune homme à la chevelure ardente n'avait qu'une chose à faire : prêter allégeance au Yamato. Chose qu'il accepta sans discuter, se pliant pour le reste de sa vie à leur code de conduite - sa Bible -.

Son destin et son passé le rattrapèrent. Par hasard, il apprit que son frère - entré à Yuei - depuis un an venait de valider son année. Seto prit alors la décision de retourner là-bas, espérant pouvoir féliciter Hidejiro, mais rien ne se passa comme il l'aurait voulu. Les conséquences de son retour chez les Kyiomizu furent désastreuses. Il ne revit pas celui pour lequel il avait décidé d'affronter ses démons. Le jeune homme emporta dans son sillage la vie et le bonheur de son frère... ne laissant derrière lui que cendres, flammes et larmes. Une partie de sa vie venait de partir en fumée.

Recherché par les forces de l'ordre, il apparaîssait comme le coupable évident. Plusieurs témoignages de riverains assurés avoir vu Seto dans le quartier, le jour du drame. D'autres prétendaient même l'avoir surpris, quittant la maison en proie en flamme. Après une courte enquête au cours de laquelle les autorités firent la corrélation entre son Alter et ses tares caractérielles, il fut désigné comme suspect numéro un. Jamais il n'avait cherché à cacher son acte, mais il doit sa liberté aux Yamato. Fuyuhiko, après avoir eu vent de l'affaire, alla demander à son propre père de faire disparaître les preuves, de le disculper. Chose qu'Izumo refusa, justifiant son choix de par la nature irréfléchie et personnelle de son acte. Il n'avait pas agi pour le clan, mais bien pour lui-même. Malgré l'insistance de son fils, il ne céda pas. Après cet événement, Kiyomizu Seto, s'effaça peu à peu pour ne revêtir que l'identité de « Outburst ». Une solution que les deux amis eurent trouvés ensemble afin que les projecteurs ne se braquent pas une nouvelle fois sur lui. Ils lui firent abandonné sa chevelure d'ambre au profit d'une toison dorée coiffée en bataille, rendant son visage bien plus éclairé. Fuyuhiko l'affubla d'une garde robe digne des grands mafieux de l'histoire afin qu'il soigne son allure. Costume, gilet, chemise, cravate, chaussures cirées devinrent alors son quotidien, remplaçant les sweats, t-shirt qu'ils portaient habituellement. Ainsi le Kiyomizu disparaîtraient des radars tant qu'il ne s'approcheraient pas de trop près des forces de l'ordre. Son meilleur ami alla jusqu'à lui remettre un masque qu'il devrait porter lorsqu'il serait missionné par le clan. Un artifice supplémentaire pour éviter que son visage, seul élément ne pouvant être modifié, ne soit trop exposé. Ainsi il devint "Outburst" le bourreau masqué du clan. C'est en ce nom que ses crimes furent reconnus par la suite, faisant tomber dans l'oubli Kiyomizu Seto.

A ce-jour, les Yamato sont sa nouvelle et seule famille. Considérant Fuyuhiko comme un frère, il jura de le protéger devant Izumo, le chef du clan. Promettant d'offrir sa vie si celle de son fils venait à être en péril. Réputé pour sa violence, Seto était principalement envoyé pour régler les différends internes, se salir les mains sur les affaires de trahison. Sa colère, était devenue celle du clan. Un moyen pour lui d'oublier. Oublier ses erreurs passées, oublier le seul visage que la remord et la honte l'empêchent de revoir.

"Félicitations frérot, j'te souhaite le meilleur." Sa voix tremblait. Son cœur se serrait sous l'émotion et le simple son de sa voix eut suffi à réveiller en lui une profonde nostalgie. Il se retint de verser quelques larmes, avachi sur le bord de la fenêtre de la bâtisse. Il n'eut pas le courage de se présenter. Un fin sourire se dessina pour la première fois depuis longtemps sur son visage. "J'dois te laisser 'Jiro, mais on se voit très vite, j'te le promets." reprit-il en expédiant la conversation. Il venait de prendre sa décision, raccrochant son portable et jetant sa cigarette par le fenêtre. Le mafieux fit volte-face dans la pièce maculée de sang. Au centre, un homme gisait, le corps mutilé et fumant. Saisissant le manteau noir posé soigneusement sur une chaise, il se dirigea vers la porte.

Ce chemin, il ne l'avait que trop de fois parcouru en rentrant de Yuei. Ce quartier... ce chemin fleuri. Les effluves des cerisiers en fleur vinrent le plonger dans des souvenirs lointains. En regardant au loin sur le trottoir, il vit le mirage de son enfance. Lui et son frère se courant après. Les mains dans les poches, la démarche droite, Seto eut un léger rictus devant cette mélancolie apaisante. Au loin, il les vit. Ces quatre murs qu'il avait fuis pour finalement revenir aujourd'hui. Il ne resterait pas, mais peut-être espérait-il inconsciemment pouvoir renouer avec son passé.
Elle n'avait pas changé. Des murs lisses d'un blanc éclatant. La fenêtre de son ancienne chambre ouverte, il ne distinguait plus les posters des héros qu'il admirait autrefois. Devant la porte, il eut un mouvement d'hésitation. « Je le fais pour 'Jiro... aller ». Son poing vint délicatement frapper la porte, tandis que quelques secondes plus tard, elle s'ouvrit. Il découvrit le visage d'Asayo, qui devint blême à sa simple vue. Elle fit un pas en arrière. « Se-Seto ?! » s'étouffa-t-elle en manquant de trébucher sur le meuble de l'entrée. Le jeune homme s'avança à l'intérieur, n'attendant pas d'y être invité. « Rassure-toi, j'viens juste pour voir ton fils, mon frère... Je ne vais pas rester longtemps » lança-t-il sèchement. Il pénétra alors dans la pièce principale où la tension grimpa brutalement.

Ce regard méprisant. Ce visage raide. Et cette voix qui s'élevait dans les airs. Une gifle douloureuse, la tête de Seto fit un quart de tour. Il ne broncha pas. Pas un mot, pas une réaction. « Comment oses-tu remettre les pieds dans cette baraque ?! ». Son père n'avait pas changé. Toujours aussi bourru, habité  par cette haine à son égard. Leur yeux se croisèrent, échangeant en une fraction de seconde l’entièreté de l'animosité les animant « J't'en prie, jette-moi dehors... Papa. ». Le bras de son paternel se leva. Sa main vint violemment s'abattre sur l'épaule de celui qu'il n'estimait plus depuis longtemps maintenant. « Je te conseille vivement de retirer ta main d'ici Papa ». Chaque fois qu'il l'appelait ainsi, le concerné s'offusquait en silence, serrant toujours davantage les dents.

« Je t'interdis de m'appeler...

- ... Père ? Papa ? Paternel ? Mon vieux ? l'interrompit Seto en saisissant la main posée sur son épaule et en l'écartant lentement. Que tu le veuilles ou non, et bien que cela ne me plaise pas plus qu'à toi, on est lié.

- Espèce de...

- Kazuhiko, Seto, s'il-vous-plaît, arrê...

- HORS DE QUESTION ! Je ne vais pas laisser ce déchet fouler le sol de ma maison ! »

Seto renvoya la main de son père et fit un pas en arrière, sans jamais quitter le regard de ce dernier. Toujours aucune réponse. Comment en étaient-ils arrivé là ? Comment leur relation avait-elle pu se dégrader à mesure qu'il avait grandi ? Le jeune homme n'avait jamais obtenu de réponse, et avait abandonné l'idée d'en avoir depuis bien longtemps. « Écoute, je me fiche de ta complainte. J'suis ici pour voir mon frère. Seulement lui. » Kazuhiko serra les poings, se rapprochant de son fils jusqu'à arriver quelques centimètres devant lui, le surplombant d'une tête. Le regard noir, assassin. Ses deux mains se levèrent alors. Aussitôt, les poings de Seto s’embrasèrent, emplissant la pièce d'une lueur rougeoyante, ondulante. Asayo totalement désemparée, rampa jusqu'à un mur, suppliant les deux hommes de se calmer. En vain. « Si j'étais toi, j'écouterais ma femme,... Connard. » . Explosif. Ces mots firent l'effet d'une bombe. Brutalement, le poing du père vint s'abattre sur le visage de Seto. Une force impressionnante qui le fit reculer d'un mètre, avant qu'il ne heurte le mur. Le choc fit chuter les cadres accrochés. Ravalant le fin de filet de sang ruisselant le long de son menton, il vit au sol, une photo datant d'il y a plusieurs années. Lui, Hidejiro, Asayo et son père. Tous souriaient. Une époque si lointaine, si... inatteignable. « Tu n'es qu'un moins-que-rien. Comment ai-je pu élever des enfants comme vous ! »

Le cœur de Seto sembla s'arrêter. Le silence. Puis il la sentit. Elle l’habitait. Là. Plus rien. Plus aucune barrière. Les dernières venaient de tomber. L’explosion de cette essence fulminant dans ses entrailles. Cette sensation. Brûlante, excitante, enivrante. Elle s’échappait, ruisselant dans son sang, ruisselant sur son âme, sur son être. Corrosive, il ne pouvait que ployer devant elle, se laisser aller à ses instincts les plus primaires. « Cette famille, ne te méritait pas. » grogna Seto bas. Kazuhiko fit un pas vers lui. « Tu ne me méritais pas, vaurien. Et ton frère ne vaut pas p... ». Un vacarme assourdissant. Le poing de Seto s'enfonça violemment dans son abdomen libérant une déflagration surprenante, embrasant le gilet du chef de famille. L'expression affichait sur son visage laissait parfaitement comprendre l'étendue de la douleur qu'il ressentait. Il recula lentement, titubant, toussotant, retirant son habit en feu.

« Insulte-moi. Frappe-moi. Mais ne me compare pas à Hidejiro. Lui, il deviendra quelqu'un. Il est à des années-lumière de nous.

- Quoi de plus normal, puisque vous n'êtes pas mes fils !

- Tu peux nier auta... »


Le rire de Kazuhiko vint l'interrompre. Le regard de Seto se figea subitement sur la figure déformée de son père, riant haut et fort... Absurde. Les poings du mafieux se serrèrent, menaçant de s'abattre à nouveau sur lui, sans retenue.

« Alors t'as toujours rien pigé ?! J'aurai cru qu'avec le temps... De qui tiens-tu cet Alter abominable ?! De moi ?! De ta mère ?! »

Qu... ses bras tremblotaient. Qu'est-ce qu'elle venait foutre dans cette histoire ?! Jamais ils n'avaient parlé d'elle... Morte d'une overdose, une droguée les ayant abandonnés alors qu'il n'était âgé que d'un an et demi. Cette histoire d'Alter. Les oreilles de Seto commencèrent à bourdonner. Ses dents grinçaient et ses bras changeaient peu à peu, libérant une substance rouge, visqueuse, sans même qu'il ne se rende compte.

« Tu n'as pas mes capacités physiques et tu n'as pas la capacité de lévitation de ta foutue mère... Tu comprends maintenant, Seto »

Non. Impossible.

Sous le choc, il ne vit pas Kazuhiko se jeter sur lui, empoignant ses épaules et l'encastrant dans le mur. La bibliothèque s'effondra, quelques gouttes de magma tombant dessus. Le bois commençait à fumer. Les phalanges s’enfoncèrent dans sa chair tant la pression était forte. La douleur en était presque insoutenable. « Tu vas finir comme elle » continua-t-il en lui assénant un coup de boule qui vint le sonner. Ses pensées se perdaient. La confusion s'empara de lui. Les mots de son paternel résonnaient inlassablement dans son esprit, le rendant incapable de toute réponse. Il avait bien trop peur de comprendre l'étendue de ses propos.

« Kazuhiko ! Arrête ! » Sa femme se jeta sur lui, l'implorant de stopper cet acharnement. Brutalement, ce dernier, relâchant son emprise sur son fils, la repoussa. « Je t'interdis d'utiliser ton Alter sur moi cette fois, surtout pour sauver ce bâtard ! J'aurai dû le faire disparaître en même temps qu'elle ! » La colère s'était emparée de lui, le faisant avouer des actes qu'ils n'auraient peut-être jamais dû révéler. La chaleur de la pièce explosa brusquement. Le simple rayonnement émanant de la lave coulant le long des jambes de Seto suffisait à faire s'embraser les rideaux et le bois de pièce. Le salon se retrouva aux portes des enfers. Dans un hurlement de rage, ce dernier se précipita sur celui qu'il avait, pendant toutes ces années, considéré comme son père. Il le fit chuter, s'asseyant sur son torse et se mit à marteler son visage, de ses poings brûlant. Kazuhiko profita d'une rupture dans le rythme pour reprendre le dessus et dégager Seto un peu plus loin.

« Enfin, t'as compris ! PAS de drogue, PAS d'abandon. Juste une putain qui m'a bernée pendant des années ! Tu devrais m'être reconnaissant de t'avoir élevé pendant autant d'années ! »

La chose qui se redressa devant lui n'avait plus rien d'humain. Son aura était meurtrière, bestiale. Son regard ne laissait plus transparaître une once de raison. Pourtant, il pleurait. Des larmes germaient de la pointe de ses yeux, s'évaporant quasiment aussitôt tant la chaleur de sa peau était extrême. Ses poings et ses pieds s'étaient couvert de magma. Chacun de ses pas faisant fondre le sol sous ses pieds. Lentement, il avançait. Vers lui. Les dernières chaînes venaient de lâcher. Un dernier élan. Kazuhiko décocha une droite vers lui. Seto attrapa sa main, la serrant de toutes ses forces. Le contact avec le magma fit hurler le père. Il pouvait sentir sa peau s'enflammer, sa chaire fondre, ses os craquelés sous l'effet de la température. Puis, le second poing en fusion de la bête sauvage fusa droit vers le visage de cet être qu'il voulait à présent voir disparaître définitivement de sa vie.

Les choses furent si rapides. Bien trop. Seto avait senti sa main traverser la peau, des organes et ressortir de l'autre côté du corps. Seulement, lorsqu'il réalisa... il était trop tard. Asayo s'était jeté sur son bras, prenant l'assaut à la place de Kazuhiko. Elle se tordait de douleur, ses yeux tremblant, le sang abondant dans sa bouche, qu'elle crachait sur le visage de "l'animal" sans le vouloir. Sa vision s'obscurcit, tandis qu'il se trouvait dans l'incompréhension totale. Non... pas ça. Pourquoi Abasourdi par l'horreur de son acte, il recula, tremblant. Asayo s'effondra sur le sol, sur les pieds de son mari, qui l'observait avec l'indifférence la plus totale.

« Je suis désolé... sans le vouloir, j'ai participé à tout ça... J'avais peur. De lui. De toi. Je t'ai ignoré alors que tu aurais eu besoin de l'amour d'une mère. »

Non, non, non, non... Il se le répétait, encore et encore. Qu'allait-il pouvoir dire à Hidejiro ?! De la haine. Lui aussi allait le haïr ?! Pas ça. Seto tomba à genoux, ne lâchant pas du regard le corps de cette femme ayant toujours agi pour le bonheur de son fils. Il pleurait, tandis que la pièce s'enflammait toujours peu à peu. Ses mains avaient retrouvé leur aspect habituel, bien que parsemées de traces de brûlures. Kazuhiko, enjamba le corps de celle avec laquelle il avait uni pendant tant d'années. « Tout ça, c'est de ton fait... » grommela-t-il au-dessus de son fils. Ce-dernier se releva rapidement, plaquant la paume de sa main sur sa bouche. De nouveau, son corps se mit à rougir, tandis que de sa main coulait de la lave ruisselant directement à l'intérieur de la gorge de son père. Il gardait les yeux baissés, résistant tant bien que mal aux coups qu'il recevait. « Tout ça, c'est à cause de nous »

« J'suis désolé Asayo... Votre vie. La tienne. Celle de 'Jiro. Elles auraient été bien meilleures si vous n'aviez jamais croisé notre route. Tu as été une mère parfaite. Toujours là pour le protéger,... toujours là pour ses chagrins et ses petites victoires... il se tut un instant, l'émotion s'emparant de lui. Le corps de son "géniteur" fulminait, rougissant à vu d’œil. J'suis désolé d'avoir entraîné ton fils dans mes histoires de héros... de lui avoir fait mal lorsque nous jouions. Sans le remarquer, il parlait de plus en plus fort, n'arrivant plus à contenir sa tristesse, sa rancœur qu'il éprouvait envers lui-même. J'suis désolé d'pas avoir su être un grand-frère exemplaire... Désolé d'avoir foutu vos vies en l'air. » A ses mots, les yeux de Kazuhiko s’enflammèrent, son corps fumait. De sa bouche, de ses oreilles, jaillirent des flammes. Seto le lâcha ne prenant même pas la peine de regarder une dernière fois sa carcasse. Il s'approcha du corps gisant de sa belle-mère, prenant le temps de la porter sur ses épaules. Il la traîna jusqu'à l'entrée, récupérant au passage une photo d'elle et d'Hidejiro qu'il glissa dans la poche de son pantalon... bien entamé par les flammes. Le plafond céda dans la pièce derrière lui, venant écraser et ensevelir la dépouille du monstre. Il jeta délicatement le corps d'Asayo par la fenêtre, dans le jardin, tandis qu'il sortit lui aussi. Contre la palissade de ce dernier, il posa le corps sans vie de la femme. Il voulait la préserver des flammes. Elle, elle méritait des obsèques digne de ce nom. De sa poche, il extirpa la photo, déchirant la partie où son père et lui apparaissait. Dans le creux de sa main, il déposa le reste de l'image... seul souvenir matériel qu'aurait certainement Hidejiro... Il adressa une courte prière à celle qui fut sa "mère adoptive", avant de se redresser, et de partir au travers des ruelles sillonnant le quartier, tentant, tant bien que mal d'entendre le crépitement de son passé partant en fumée.

Suivre le code. Obéir aux ordres. Faire le travail pour lequel il est missionné. Nombre diront qu'aujourd'hui les actes de Seto sont dépourvus d'identité. À raison. Peut-être a-t-il oublié ce que signifiait "vivre pour soi". Néanmoins, plutôt que de devenir un animal n'ayant pour seule raison d'exister que de survivre, il a décidé de rester humain. D'avoir le choix. Même s'il le doit à la providence, il a fait de cette raison de vivre la sienne. Aujourd'hui, les Yakuza, les Yamato, Fuyuhiko... ils sont tout ce qu'il a. Ils ont su faire de lui quelqu'un, ils lui ont permis de dompter sa bête intérieure, alors pour eux, ils feraient n'importe quoi.

Il ne se pose plus la question de savoir si ceci est juste ou non... Cela suit le code du clan ? Ou est-ce que cela déroge à celui-ci. Dans le second cas, il se déchaînera. Le code, encore le code, toujours le code. Il est devenu sa Bible. Bien qu'il ne soit pas entièrement d'accord avec Izumo sur certain point, Seto ne peut que constater l'habileté avec laquelle cet homme mène sa famille.

Alors oui. Outburst braquera si on le lui demande. Il passera à tabac si nécessaire. Il tuera si on lui en donne l'ordre. L'époque où il rêvait d'être un héros semble si loin maintenant. Pourtant, si vous lui demandez, il vous dira qu'à sa façon, il en est un. Il fait respecter la loi. Au sein du clan, sous les ordres de son oyabun. Ordre, justice. À la façon Yamato.

Protéger Jamais il n'a été aussi vivant. Bien plus stable qu'auparavant. Et rien ne semblerait pouvoir le faire rechuter. Pourtant, il le sait. S'attacher pourrait le pousser à de nouveau perdre pied. Seulement, il ne peut lutter. Fuyuhiko est devenu comme un frère pour lui. Il espère, et fera son maximum pour qu'il puisse prendre la succession de son père le jour venu. Il donnerait sa vie pour lui... Le protéger. Il l'a juré devant Izumo. Mais... qu'adviendra-t-il le jour où Hidejiro se présentera à lui ? Sera-t-il capable de quoique ce soit ?

Depuis peu,... Seto a fait une nouvelle promesse - qu'il, cette fois, n'est pas sûr de pouvoir tenir - à Fuyuhiko, concernant sa sœur, Iza. Une sombre affaire, un marché conclu il y a bien longtemps au sein du clan. Un destin tout tracé duquel le jeune homme a promis d'extirper la jeune femme.

Outre des individus ciblés, le jeune homme est prêt à tout pour protéger l'organisation elle-même. Elle lui a offert une nouvelle famille, une famille pour laquelle l'honneur est une évidence. N'ayant pas été capable de sauver sa propre famille, il mettra tout en œuvre pour préserver le clan.

« Tu as bien conscience de ton Alter est puissant, Seto ?

- Hé, tu m'prends pour qui 'Hiko ? répondit-il en posant son verre sur la table.

- Si tu veux qu'on te considère comme quelqu'une de fiable, j'veux juste m'assurer que t'en as bien conscience... on peut pas laisser quelqu'un avec un passif comme toi faire n'importe quoi avec ce genre de pouvoir. Fuyuhiko termina d'une traite le sien avant de lui aussi le poser.

- Un passif comme le mien... t'peux l'dire, j'suis taré c'est ça ?

- T'fous pas d'ma gueule, Seto, tu vois très c'que j'veux dire !

- Roh, ça va... je sais que si je perds le contrôle, les conséquences pourraient être dramatiques. Or, depuis cet fois-là, ça ne s'est jamais reproduit. Puis t'es là pour ça maintenant, nan ? Si j'péte les plombs, tu m'raméneras sur Terre.

- Ouais, bah laisse-moi te dire que si on pouvait éviter d'en arriver là, ça m'arrangerait pas mal quand même... ! »

Volcano. Un Alter dont la simple évocation pourrait faire frémir d'effroi les populations, tant sa capacité de destruction est importante. Une simple coulée de lave mal gérée pourrait ravager des rues entières et emporter avec elle des dizaines de vies. Seto a bien conscience de l'étendue des dégâts que peut causer une utilisation mal contrôlé de son Alter. Raison pour laquelle il se bride constamment, n'osant pas utiliser l’entièreté de sa force. N'ayant pas une totale confiance en sa capacité à se modérer lui-même, c'est une assurance supplémentaire... Il suffirait d'une fois... un accès de colère pour qu'il créé un véritable chaos. Lui-même vous le dira, entre de mauvaises mains, cet Alter pourrait être une arme de destruction massive.

Aujourd'hui, la société veut avoir le contrôle. Le monopole de l'usage des Alter. Un moyen comme un autre de se rassurer et d'écarter le danger. Seulement... N'est-ce pas là, le principal obstacle à la liberté ? En réalité, Seto n'a que faire de la volonté des gouvernements à vouloir gérer l'usage de ces pouvoirs. Il ne s'y pliera pas. Lui, comme les autres. Si son Alter permet à sa "famille" de prospérer, il n'attendra pas l'accord d'un bureaucrate pour le faire. Un simple numéro de matricule ? Une carte d'identité de "Super-héros" ? Un simple bout de papier plastifié autorisant ou non à utiliser son patrimoine génétique afin de faire ce qui lui semble juste : inutile. Une mesure ridicule visant à écarter de la Société ceux pouvant devenir gênant pour leur ambition certainement.

Pour autant, il sait que la multiplication des Alters est à l'origine de la chute des Yakuza. Autrefois au sommet de la chaîne alimentaire, l'arrivée de ces capacités surhumaines a fait trembler le piédestal sur lequel se trouvait l'organisation. Des individus nouveaux, n'ayant que faire de l'Honneur, semant le chaos et arrachant les biens des différents clans. Yakuza depuis seulement quelques années, Seto s'est pourtant retrouvé fasciner par leur histoire. Celle de leur ascension. La façon dont ils ont inspiré le respect. L'empire qu'ils ont bâti. Et les Alters ont balayé leurs ambitions. Tourner en ridicule par des organisations de "vilains" n'ayant que faire de l'honneur, semant le chaos pour le plaisir. Des "crimes" n'ayant pour objectif que de servir leur propre dessein. Peut-être se sent-il investi d'une mission. Lui qui n'a jamais pu œuvrer pour le bien de sa propre famille. Peut-être que ce désir d'inverser l'ordre des choses pour refaire retrouver aux Yakuza leur gloire d'antan découle de cela. Oui. Si les Alters les ont fait choir, il usera du sien pour reprendre à ses fauteurs de trouble cette place leur revenant.

Le crime. Un mot donné à un acte jugé comme étant contre la morale... Faudrait-il encore que chacun ait la même. Seto n'apporte que peu d'importance à ce mot. Les crimes que lui attribueront les autorités ne le seront qu'à leurs yeux. Pour les siens, il ne s'agit ni plus ni moins qu'un travail comme un autre. L'époque où il s'obstinait à penser de la même façon est bien loin. Aujourd'hui, il n'y a plus de "Bien" ou de "Mal". Juste des sociétés différentes : Les Mafias, les Autorités et d'autres organismes divers et variés. Chacun ayant leur propre définition de ce qui est bienveillant ou non. Ce qui sera "Bon" pour les affaires des Yakuza, sera "Mauvais" aux yeux des Autorités et vice-versa. Ainsi vont les choses.

Alors oui, si l'on se place du point de vu de la majorité, Seto est un criminel. Son affiliation aux Yakuza suffit déjà à le ranger de le tiroir de ceux devant finir derrière des barreaux. Ses actes, aussi abjects, sont-ils - meurtre, enlèvement, braquage - font l'apanage des héros, qui pourront ainsi faire valoir leur bravoure. Crime et Justice. Étroitement lié. Après tout, il ne peut y avoir de justice sans crime, et l'inverse est aussi vrai. Sans notion de justice, le crime n'en serait pas un. Ainsi va la pensée de Seto.

Si l'on se penche maintenant sur le clan... Il définira la trahison comme un crime répréhensible, car portant atteinte à la famille. Ainsi, le code de conduite des Yamato s'apparente au code judiciaire et pénal de la Société Héroïque. D'une certaine façon, Seto est un héros au sein de la Société Yakuza, puisque sa tache principale reste de faire respecter l'Ordre et la "Justice" en son sein.

A-t-il seulement choisi de le devenir ? Un animal effrayé, agressif, errant dans la rue à la recherche de qui lui permettra de survivre une nuit de plus. Sans raison, sans objectifs. Pourtant, il a croisé sa route, le fruit du hasard. Une bestialité, un Alter ayant convaincu. Une simple proposition : celle de l'argent au début. Pouvoir vivre sainement. Une banalité comme l'argent a été l'amorce de ce qu'il est devenu. Des petits boulots de mafieux : du trafic de drogue, des bastons, etc... Puis au fur-et-à-mesure qu'il s'est lié avec le fils de l'oyabun, il a découvert la Société Yakuza. Des valeurs, un code, une façon d'être, de vivre... Une famille. L'affect a énormément joué. Même si la violence et le "crime" étaient leur gagne-pain, ils semblaient si fort ensemble. Un lien qu'il n'a jamais véritablement ressenti, sinon avec son demi-frère. Retrouver cela, et espérer pouvoir en faire un jour parti ont été ses motivations pendant un temps.

Enfin, il a intégré le clan. Le cercle de proche de Fuyuhiko, le fils de l'oyabun. Il a su s'attirer les faveurs d'Izumo. Un sentiment de complaisance qu'il n'avait jamais connu. Cette reconnaissance, il allait la chérir pendant longtemps. Tous ce qu'il souhaite aujourd'hui, c'est chérir ces liens qu'il a su se forger. Les entretenir, les renforcer... Mais quelque chose se dessine depuis un certain temps. Bien qu'attaché au Code, il ne peut s'empêcher de ressentir un profond dégoût pour la Tête de l'organisation... depuis la révélation de la fatalité du destin de Yamato Iza, il ne peut s'empêcher à une réforme.

Enfin tout ceci est à prendre avec un nombre incroyable de variables... dont la principale reste Hidejiro. Seto sait que tôt ou tard, ils seront amenés à se recroiser et ce jour-là, rien ne dit que ses motivations, ses objectifs, ses envies sauront rester les mêmes. Parviendra-t-il à choisir entre cette famille au sein de laquelle il a enfin trouvé une place et son frère, celui qui depuis toujours compte plus que tout ?