Itō Mitsuki

La première particularité du physique d’Itō Mitsuki, c’est qu’on ne le voit pas. Celle qui se fait communément appeler Mist est à l’image de son alter : insaisissable. Plus elle s’engouffre dans l’illégalité, moins elle apparaît sous forme humaine. Ceux suffisamment chanceux pourront déceler derrière son amas de fumée opaque, une figure immaculée presque resplendissante. Mist a un visage angélique, pâle comme la lune qui contraste avec son imposante chevelure charbon. Quelque part, on dirait que la jeune femme est enveloppée d’un nuage de coton noir tant ses cheveux semblent anormalement flotter au vent. Si vous avez l’oeil, vous constaterez que ses pointes ne s’achèvent pas, ou plutôt qu’elles se terminent sous forme d’un petit filet de fumée noirâtre. Avec ses yeux rieurs de la même couleur, Mitsuki est quelqu’un qui aborde constamment un air insouciant. Coquette, elle se montrera rarement sans un bijou pour la valoriser. Elle a un faible pour tout ce qui brille bien qu’elle revête généralement des habits plutôt sombres.  
Par ailleurs, malgré sa superficialité apparente elle sera le plus souvent pied-nue, après tout à quoi bon porter des chaussures quand on peut flotter.

Enfant terrible et joueur, Mitsuki ne tarda pas à montrer un visage insolent à ses proches. Depuis toujours, la petite prenait plaisir à défier l’autorité. Le temps ne calma certes pas ses pulsions mais Itō apprit à être plus discrète dans sa désinvolture. Alternant entre un air sérieux ou bienveillant, jamais Mitsuki ne montra ses crocs. Par ailleurs, elle n’aimait pas lever la voix. À ses yeux, tout problème se règle dans la communication et lorsque cette dernière est insuffisante...la jeune femme fuit. Instable et libre, la petite solitaire n’hésite pas à changer radicalement de lieu et de contacts dès que ça lui chante. Au regard de sa vie, Mitsuki Itō n’a aucune attache. Ni famille, ni amis, elle n'a pour seule passion le vol d’objets haut de gamme. En réalité, elle ignore elle-même si elle est motivé par le goût du luxe ou par l’adrénaline du crime.  Elle qui se pensait autrefois incapable de réfléchir, réalisa avec l’âge qu’elle détenait de bonne capacité d’anticipation. La multitude de points faibles inhérents à son alter l’invitèrent également à longuement réfléchir en matière de stratégies. Pour autant, Mitsuki Itō est quelqu’un qui se sous-estime profondément. Peut-être est-ce pour cela qu’elle ne se risque pas à réaliser un casse du siècle. Néanmoins, elle persiste à voler comme si céder à ses pulsions n’était que sa nature. Se lier à Mist, c’est aussi prendre l’occasion de voir apparaître une toute autre personne. Celle d’une brune taquine et insouciante qui, malgré ses commentaires brutalement honnêtes, tentera de soutenir quiconque qui aura su gagner sa confiance.

Bonus:

Porteur d’un des noms de famille les plus communs du Japon, les Itō se caractérisaient par leurs banalités. Seul l’absence du père de famille faisait quelquefois parler leurs voisins les plus conservateurs. Kaede Itō, jeune maman alors inexpérimentée, du apprendre assez tôt à ne plus écouter son quartier. De fait, la vie de mère précaire et célibataire faisait qu’elle n’eut plus l’occasion ou les ressources cognitives pour écouter qui que ce soit. La grand-mère était également présente, aidant financièrement sa fille qui finit par s’occuper d’elle dès lors que sa santé flancha. Son dernier souffle enterra définitivement toute vie sociale pour Kaede qui s’isola un peu plus avec son nourrisson.
Comme beaucoup de personnes vivant dans la pénurie, cette famille cumulait les facteurs défavorisants : Appartement bruyant, parent absent laissant place à un mode de vie chaotique, peu de place pour l’éducation etc. Malgré tout, le monde n’était pas exclusivement tragique chez les Itō. Il arrivait que les murs mal isolés laissent s’échapper rire et mélodies en tous genres. L’amour ne manquait pas à la maison, mais il pouvait prendre des formes regrettables. Peut-être peut-on dire que le destin de la fille Itō s’assombri à la venue de son Alter, Smokebody. Mitsuki Itō développa un don aussi nonchalant que monstrueux : celui de perdre son apparence pour devenir aussi libre que l’air. Avec un tel pouvoir entre les doigts, aucun enfant à sa place n’aurait pu ignorer l’appel de la liberté. De la primaire jusqu’au collège, Mitsuki testa les limites de l’autorité. Le moindre problème avec ses camarades ou professeurs se concluait sur sa fuite. Une fois sur deux, la petite profitait des pauses pour s’envoler discrètement. À terme, ses apparitions étaient comme spectrales : son visage était inconnu de tous. Son nom faisait mystère. Pourtant, dans les couloirs de ce petit collège local, on comptait inlassablement l’histoire d'une mystérieuse rebelle qui osait faire à sa guise.

L’amour d’une mère est inconditionnel, mais il ne passa pas un jour sans que Mme Itō ne maudissait pas la seconde forme de sa fille.
Malgré l’épuisement, l’habitude et l'instinct maternel lui permis de maîtriser sa fille acorporelle.
L’alter de Mitsuki fonctionnait comme une seconde nature. Tout danger quel qu’il soit l’amenait par réflexe à se transformer entièrement ou partiellement en fumée. De plus, il lui était impossible de reprendre forme humaine dès lors qu’elle était atrophiée dans un récipient plus rigide qu’elle. L’astuce enfin trouvée, l’aspirateur devint alors son arme favorite. S’évader de sa chambre était une chose, mais se libérer d’un bocal soigneusement fermé se révélait impossible. Ainsi, dans l’appartement de cette famille sans histoire, se déployaient un peu partout d’anciens pots à confiture de la grand-mère. Dès lors que la collégienne faisait des siennes, elle finissait dans ce que sa mère nomma les « pots à Mitsuki ».

Cette technique avait l’avantage de rapporter une double efficacité : en découpant la gamine en plusieurs morceaux, elle était non seulement immobilisée mais en sortait également amorphe. À chaque libération, son esprit semblait aussi brumeux que son apparence. Elle errait lassement au ras du sol sous forme d’un épais brouillard charbon, comme si elle avait oublié comment être de nouveau humain. Éventuellement, la fumée ébène se matérialisait en un petit corps fiévreux. Néanmoins, rester trop longtemps séparée de parties d’elle-même fragilisait Mitsuki sans qu’elle ne puisse poser aucun mot sur cette sensation si particulière. Progressivement, elle s’assagît pour devenir une collégienne apathique et engourdie. Le cercle vicieux était là : sa mère n’avait qu’une punition qu’elle usait et abusait pour faire de sa fille une femme meilleure. L’adolescente quant à elle, n’avait pas le recul pour comprendre qu’une grande partie de ses difficultés découlait de ce morcellement de soi. Mitsuki ne manqua plus aucun cours, mais passa ses dernières années d’études à dormir en classe.

Et puis un jour, vint la lassitude. La mère abandonna toute ambition pour son enfant qui quant à lui, intériorisa l’idée d’être inadapté pour la société. Déscolarisée suite à un incident qui lui avait coûté le secret de son alter, les quatre murs de sa chambre étaient désormais son seul paysage. Adolescente aux airs insouciants, elle savait son avenir sombre et se réfugiait derrière ses manières insolentes pour mieux l’oublier. Encore à ce jour son village parle d’elle comme d’une adolescente détraquée et désinvolte, pourtant c’est la honte qui poussa Mitsuki Itō à disparaître le 13 juillet 295.  Elle séjourna dans un premier temps dans sa ville natale, accompagnée de lycéens et quelques adultes peu recommandables. Dans cette vie parsemée de petits crimes juvéniles en tous genres, Mitsuki s’était enfin fait un nom. Plus ses méfaits étaient grands, plus la jeune femme se sentait soudée à sa nouvelle famille.
Celle qu’on appelait désormais Mist n’avait pourtant rien d'un leader. Au contraire, la petite délinquante prenait plaisir à rester dans l’ombre. C’est à cette époque que son attirance pour le vol fleurissa. Évidemment, elle participait aux règlements de comptes et vendait tout ce qu’on lui mettait sous la main. Cependant, elle qui avait grandi dans le manque ne put s’empêcher de désirer tout objets qui lui étaient supposément inaccessibles. Ainsi, il lui arrivait de suggérer elle-même divers plans de cambriolage de manière à ce que les meneurs de son groupe se pensent à l’origine de ses stratégies. Après tout, elle n’était pas là pour les louanges, ce n’était qu’un parasite à la recherche d’un toit et de compagnons. À ses débuts elle n’était qu’une gamine égarée imaginant pouvoir combler le vide dans son cœur en s’approchant de parias comme elle. Une fois la 20taine atteint, Mist commença à observer son monde sous un différent regard.

4 années avec toute sa tête lui avaient suffi pour reprendre confiance en ses capacités. Elle se savait notamment douée pour anticiper les actions de la police locale et de ses amis. Elle était par ailleurs fatiguée de sa relation avec ces derniers. Entre amourettes gâchées, manipulations et bassesses de toutes sortes, elle apprit à les voir tel qu’ils étaient réellement : des misérables crapules qui se mettaient soi et les autres en danger et ce pour quoi ? Suivre les dires d’un chef obnubilé par sa réputation.Être une hors la loi ne l’empêchait pas d’avoir un code éthique. Son honnêteté et sa fierté faisaient qu’elle ne s’abaissait jamais à brosser dans le sens du poil les personnes qu’elle méprisait. Naturellement, Itō prit son envol à 20 ans, un hiver avant son anniversaire.

À 23 ans, la Japonaise s’était engouffrée dans un quotidien assez inhabituel. Devenue nomade, elle flotte de ville en ville sans jamais revenir sur ses pas. Cela fait maintenant trois ans qu’elle dérobe avec parcimonie tous les biens dont elle a besoin. Discrète, elle prend forme humaine que dans les endroits déserts et s’introduit préférentiellement dans les motels les moins sécurisé. Évidemment, cette apparente sagesse se fait vivement rattraper par des phases de folle cupidité. Cherchant encore et toujours son bonheur dans le luxe, Mist s’amuse de temps à autre à s’emparer des biens des plus aisés. Bijoux, vêtements, nourritures ou technologies, le somptueux l’attire. Le plaisir hédoniste étant éphémère, la voleuse n’hésite pas à se débarrasser de ses trésors une fois lassée. Cependant, entre abandonner volontairement ses bibelots et les perdre dans l’urgence il y a un monde. Il eût des fois où, en fuyant dans la panique, sa forme immatérielle laissa tomber les preuves de ses pillages le long de son chemin. On retrouva donc des vestiges de ses cambriolages dispersés un peu partout au Japon ce qui ne tarda pas à interroger la police nationale.Avec autant d'années perdues dans le vol, il fallait bien qu’elle manque un jour de dissimuler correctement ses empreintes digitales. De surcroît, la jeune SDF avait beau fuir les caméras de sécurité comme la peste, elle fut filmée suffisamment de fois pour que son alter soit parfaitement reconnaissable. Rapidement, le lien fut établi entre le mystérieux brouillard sévissant sur les lieux du crime et la disparition de Mlle Itō en 295. Aux yeux de ses anciens concitoyens, toute cette folie s’articulait tristement bien. Après tout ce temps à jacasser sur son alter, les villageois étaient devenu experts pour le reconnaître... Mais c’est surtout la personnalité d'Ito qui termina de les convaincre. Bien sûre que la bâtarde de Kaede était à l’origine de tous ces délits...depuis toute petite elle ne rêvait que de d’or et de paillette... Elle n’en faisait qu’à sa tête. Et regardez ses vols...elle avait beau avoir perdu sa moralité, ses goûts eux n’avaient pas changé. Toujours aussi féminine, toujours aussi chaotique. Et puis, n’était-ce pas elle qu’on croisait avec les pires voyous de Shisō.
Oui, pour la petite ville du Kansai qui avait vu grandir Itō Mitsuki, la culpabilité de cette dernière était une évidence.  

Mais tous ceux qui accueillaient Mist n’avaient pas eu l’occasion de rencontrer Itō Mitsuki. Dans les régions rurales les plus perdues du Japon, l’identité du brouillard voleur restait un mystère. Difficile de comprendre ses agissements lorsqu’on ne bénéficiait pas de suffisamment d’informations la concernant. Seules les préfectures où individus réellement intéressés par Mist poussaient l’enquête au point de retracer ses origines. Pourtant, les méfaits de Mist inquiétaient peu le Japon. Il faut savoir que Mitsuki Itō vole beaucoup mais modérément. Ses victimes étaient certes riches mais loin d’être suffisamment fortunés pour qu’un scandale anime le pays. Pareillement, les items pillés reflétaient le haut status de leurs propriétaires sans être les marchandises les plus prisées dans le milieu. Itō se limitait souvent à un produit par cambriolage, de ce fait un grand nombre de ses crimes passaient inaperçues.

Il lui arrivait également de simplement s’inviter par effraction chez les gens, profitant ainsi de leur jacuzzi avant de repartir bredouille. À côté des vols, le petit diable de fumée taquinait aussi les ménages où il s’invitait.
Aussi étrange que cela puisse paraître, Mitsuki est une criminelle qui jouait dans l’ombre à rendre service aux civils. Une fois la nuit tombée, à la manière d’une créature d’un compte folklorique, la farceuse punissait aussi ceux qu’elles jugeaient méritant. Ces comportements inattendus de la part d’une hors-la-loi expérimentée lui étaient donc rarement associés.  Par ailleurs, un grand nombre d'investigations liées à Mitsuki s’essoufflait. En effet, la femme-nuage se promenait certes aléatoirement, mais évitait toujours les lieux qu’elle avait hantés. Par inactivité, ses affaires finissaient classées sans suite dans certaines régions. Au sein des métropoles, l’identité de Mist n’était plus une énigme. Plusieurs pôles spécialisés dans les cas de cambriolages et d’intrusions finissaient par la cerner.

Innofensive. Insaisissable. (relativement) Inactive. Tels étaient les trois principaux qualificatifs choisis pour dresser le portrait de la demoiselle. Il n’était donc pas question de mettre les moyens pour la capture d’un être impalpable qui ne causait pour l’heure aucun danger public.  Néanmoins, en multipliant les attaques chez des influenceurs renommés, le brouillard de jais pickpocket est en train de se faire doucement un nom sur la toile.

Affalée à sa fenêtre, la fille unique de Mme Itō rêvassait. Déscolarisée depuis peu, son quotidien était fait de daydreams et de lutte. En effet, lorsque son esprit ne vagabondait pas, Mitsuki usait de ses dernières forces pour s’opposer à sa mère. Dernièrement, celle-ci s’était engagée dans des démarches administratives pour enquêter sur un éventuel handicap cognitif chez sa fille. Après tout, l’adolescente de 16 ans avait l’énergie d’une larve et il devenait urgent qu’elle participe aux impôts de la maison. Pour cette maman précaire, l’aide financière que l’État pouvait accorder en cas de retard mental était bienvenue, et quelque part elle soupçonnait réellement sa fille de dysfonctionner. Évidemment, à chaque période s’associait un nouveau thème de dispute, mais pour l’été 295 cette histoire constituait le noyau de leurs mésententes. Jamais Itō Mitsuki ne rencontra de neuropsychologues. Au moindre soupçon d’un test, la jeune fille s’évaporait pour atterrir dans les lieux les moins connus de sa génitrice : Skatepark, Squat, Arcade ou maison d’une amie de confiance. Si son enfant était si peu coopérant, c’est qu’elle craignait également un diagnostic positif. Plus le temps passait plus cette sensation de vertige constant l’étouffait. Difficile de se montrer réfléchis, lorsque le simple fait d’enchaîner ses pensées suffisait à l’exténuer. Malgré ce bourdonnement continuel qui lui rongeait le cerveau, elle devina rapidement la cause de ses maux : Toutes ses punitions, cloîtrées dans ce qui autrefois servait de pot à confiture de mamie Itō. Lorsqu’elle était morcelée, la confusion devenait monstrueuse. Enfance et préadolescence sont des âges phares pour le développement humain et Mitsuki avait gaspillé une grande partie de cette période à se demander quel pot contenait quelle partie d’elle-même. Si son séjour dans un espace clot s’éterniser, alors elle pouvait sentir se dissiper sa petite voie nommée Conscience. Pour autant les rares fois où elle voulut en parler, on lui reprocha d’être une mahonnête cherchant à faire porter le tort sur autrui sans jamais faire les efforts nécessaires pour changer. Qui plus est, à force d’être étiquetée d’idiote désinvolte, elle avait fortement assimilé cette image déplorable d’elle-même. Dès lors, la seule voie possible pour la brunette était celle de la fuite.

15H30.  Dernière dispute. Machinalement, elle escalada sa fenêtre qui s’éroda un peu plus à son passage. La chambre de la japonaise illustrait déjà toutes ses ambitions. Jonchée de magazines féminins et de posters en tous genres, son papier peint peinait à montrer sa couleur. Enveloppé dans une imagerie qui lui vendait du rêve, Mitsuki ignorait pourtant à cette époque que sauter de cette fenêtre la conduirait droit dans la vie de luxe qu’elle convoitait tant. À son habitude, Itō évita l’ornement de parpaings cabossés qui s’érigeait le long de sa cour. Tandis que les rayons dorés du soleil striés sa chevelure dansante, elle gambadait aléatoirement sans savoir où ses pas la mèneraient. La japonaise à la crinière cendrée se retrouva ainsi respectivement chez deux de ses amies, un fastfood, un parc et l’arrière-cour d’un immeuble en voie de destruction. Longue était cette journée mais elle avait eu le mérite d’être quelque peu réconfortante. En effet, même si errer dans ce village perdu n’était en rien divertissant, les vacances d’été faisaient qu’elle avait pu croiser du monde. En sortant du système scolaire, Itō s’était quelque peu isolée et le simple fait de discuter avec des jeunes de son âge la faisait sentir moins marginale.
Affalée contre la fenêtre d’un logement en ruine, la future criminelle rêvassait à nouveau. Épuisée par son expédition improvisée, elle se laissa un moment savourer ses derniers instants d’illusions. Progressivement, la solitude revint prendre ses droits.
Que vais-je faire de ma vie ? Est-ce que quelque chose cloche chez moi ? Si je partais, est-ce que je manquerais à quelqu’un ? Tels étaient ses trois pensées tortueuses qui éclosaient de temps à autre dans son esprit dès qu’elle se trouvait seule. Elle revoyait le visage de ses amies qui avaient tant à dire sur l’école et ces histoires dont elle ne faisait désormais plus partie. Elle se rappela des traits sévères de sa mère qui l'attendait et lui souhaita avec regrets tous les malheurs du monde.

La sérénade des criquets interrompu progressivement son fil de pensée. Ce ciel bleu dénué de tout nuage était trompeur : Il se faisait tard et Mitsuki le savait. Toutefois, elle ne voulait pas rentrer chez elle, ni même bouger par la même occasion.

"Hey toi."
"Uh ?!"

Un jeune homme avait surgi de nulle part. Littéralement de nulle part.
Plus question de se lamenter d’être soi, la silhouette à la démarche irrégulière se rapprochait.

"Ah mais c’est toi Mist !"
"Q-qui es-tu ?" bafoua-t-elle tout en devinant très bien son identité. Kyousuke Ueda, aussi secrètement surnommé Kyo-kun par notre personnage principal. D’un an son aîné, il fut le premier à se faire expulser de son collège ce qui n’attrista personne, loin de là. Avec son attirance naissante pour les mauvais garçons, Mitsuki devait être une des rares à ne pas haïr ce délinquant aguerri. Malgré sa petite obsession qui durait quelques années maintenant, elle n’avait jamais réussi à le cerner. Comment peut-on prêter autant de crime à quelqu’un d’aussi polie et doux ? Ueda ressemblait à un agneau qui avait prit forme humaine pourtant ses cicatrices et sa musculature avancée témoignaient d’un train de vie sauvage.
"Aha. Ça m’attriste que ma réputation n’est pas suffit pour que tu entendes parler de moi" lança-t-il visiblement amusé.
Il s’essaya à ses côtés en faisant mine de ne pas remarquer les filés de fumée émanant timidement de Mitsuki.
"Toi par contre t'es la fille qui a envoyé chier Mr Yamazaki. Ahh ~ même moi il me faisait peur !  T’en avais vraiment plus rien à foutre"
"Heh. Il allait me faire quoi de toute façon" menta-t-elle. Plaider pour son expulsion, voila ce qu’il avait fait et elle le regrettait.

Cette stupide histoire commence ainsi :
un beau jour, tandis que Itō Mitsuki s’était réfugiée dans les bras de Morphée en classe, le terrifiant Yamazaki apparu derrière elle. La peur s’empara alors de son esprit encore embrumé et la métamorphosa entièrement en cumulus couleur corbeau. Dans son sursaut, elle venait enfin de dévoiler son alter à autrui. Soudainement les mystères entourant la jeune absentéiste partirent en fumée. Le petit monstre de jet ne sachant plus quoi faire, chercha en vain une réponse dans les 26 paires des yeux qui la scrutaient. Quant à son professeur, il ne montrait aucune compassion pour celle qui n’avait jamais respecté l’école.
« Redevient humaine immédiatement » qu’il disait.
Elle le savait. Immédiatement voulait dire à la seconde même. Manquer à cet ordre revenait à perdre toute seconde chance. Ne pouvant se révéler avec ses vêtements perdus au sol, seule la voie de la dissidence demeurait. Quitte à deserter la salle pour se changer, elle préféra éviter toute confrontation avec le monde extérieur et décolla... direction sa chambre.Sans le réaliser pleinement, ce geste fit d’elle officiellement une criminelle.

Mist. Enfin la bâtarde discrète qu’on croisait par hasard dans les couloirs de ce petit collège local avait un nom...et il était sur toutes les bouches. À cette époque sécher les cours était son seul crime mais son air détaché lui greffa très rapidement l’image d’une délinquante en devenir. Définie par son alter, Mist inspirait autant inquiétude que respect.
..Ce soir-là, la fausse idole recroquevillée en garde à vue avait balbutié toutes les excuses de son répertoire. Itō pretexta ne pas contrôler son retour en forme normale. Elle exagéra du mieux qu’elle pouvait la gêne ressentie. Nudité. Pression des pairs. Difficulté scolaire. Elle joua presque la carte de l’enfant bizuté.

Une fois son secret percé, ni les agents de police ni le reste des commères du village n’étaient dupe : la fourbe s’appuyait sur son alter pour sécher les cours . Cela ne faisait nul doute théoriquement mais fort heureusement, un châtiment ne vient jamais sans preuve. Itō nia les faits jusqu’au bout. Sans indices ou témoins, le procès était bouclé. Pour autant, cet événement scella son destin et permit l’avènement d’un tout autre châtiment. Aucune salvation n’était imaginable pour cet enfant qui s’était moqué trop de fois de leur établissement. Itō Mitsuki n’avait plus sa place en cours et pour la gamine précaire, changer d’école était inconcevable. Une fois son droit à l’éducation volée, il ne lui restait plus que la rue et sa chambre pour se lamenter. Fin de l’aparté.

Ueda souri et s’excusa. "Désolé d’avoir été brusque tout à l’heure, je suis pas censé laisser des gens s’approcher d’ici."
Avait-elle découvert son QG ? Certainement qu’un voyou de la sorte n’agit pas seule et donc il se doit d’avoir un point de repère secret. Elle qui portait régulièrement un masque de fille décontractée voire rebelle acquiesça maladroitement.  
Il continua "Si tu veux ya une soirée chez GhostMeat, t’as dû entendre parler de lui par contre. T’as l’air cool, faut que je te présente à des potes"
"Ah... J’aurai bien voulu, mais si je ne suis pas chez moi d’ici 10 min, je vais me faire é-cla-ter ! "
Tandis que le soleil s’était réfugié dans son lit de nuage pourpre, ses dernières lumières valsaient le long du visage de cherubin d’Ueda. Kyo-chan s’était levé et restait penché vers elle comme s’il attendait qu’elle le rejoigne.

"Rien t’oblige à rentrer chez toi tu sais ."

Ni motivation ni d'objectif à proprement parler, la seule priorité de cette femme est de vivre au jour le jour. Ses crimes ne sont pas toujours teintés d’immoralité, il lui arrive parfois de jouer simplement avec les pauvres âmes innocentes des villages où elle débarque. En quelque sorte, Mitsuki vise à être l’allégorie de la liberté : elle agit purement selon son envie du moment. De ce fait, quelques affaires étranges apparues à travers le pays sont en réalité ses œuvres...
Entrer en effraction chez quelqu’un juste s'occuper d'un animal négligé.
Venir déguiser en père Noël pour déposer des cadeaux (volés) aux pieds du sapin d’une famille dans le besoin.
Dessiner ivre sur le papier peint d’un policier...
Oui, Mitsuki appartient certes à la catégorie des vilains mais ses actions ne seront pas toujours cruelles ou opportunistes. C’est juste une femme qui sait qu’elle ne pourra plus jamais s’intégrer à la société et qui en conclusion cherche à vivre paisiblement par ses propres moyens. Il va sans dire que parfois les hivers sont rudes et que la solitude et l’ennuie fait partie de son quotidien. Peut-être est-ce pour cela qu’elle se joue des autres et cherche à tisser des liens tant bien que mal en taquinant quelques habitants. Son rêve est double : Premièrement, rester libre de faire ce qu’elle veut quand elle veut. Deuxièmement, se trouver des compagnons de jeux...bien qu’elle tente de refouler au mieux ce coté vulnérable.
La vision du monde d'Ito explique aussi sa soif insatiable de liberté. Pour elle, la plupart des héros ne sont en réalité que les protecteurs du statu quo. Il faut dire qu’elle fut un témoin directe du cercle vicieux piégant les citoyens les plus fragiles socio-économiquement. Pourquoi suivre les règles d’un jeu truqué ? Derrière chaque petites gens qui grimpent les échelons, il y a une grande majorité se faisant silencieusement broyer par le système. Mitsuki a personnellement observé nombre d’adolescents aux cœurs plus purs qu’elle, se dépraver pour survivre. Le monde ne changera pas, la société héroïque est trop bien huilée pour ça. De ce fait, il ne reste qu’à suivre une idéologie de « chacun pour soi » des plus égoïste. Pour elle, sortir des normes sociales et user des alters pour poursuivre ses désirs est une forme de courage.

À ses yeux, les alters marquent un Nouvel Age et elle est plus que ravie d’être née dans cette période. Sans le montrer, elle s’émerveille devant chaque pouvoir et est d’avis que le moindre don peut avoir son utilité à condition de savoir-être créatif avec. Concernant le sien, elle regrette uniquement son manque de coté offensif. Néanmoins, Itō Mitsuki est en quelque sorte son alter. Smokebody étant littéralement une seconde peau pour elle, elle ne peut réellement le haïr. À dire vrai, sa personnalité se calquerait presque sur les caractéristiques de son alter : libre, insaisissable, irresponsable. Elle a beau être terrifiée à l’idée d’être encloisonnée, Mitsuki vit avec la certitude qu’elle est capable de s’échapper de toute situation. Ironique pour quelqu’un qui se sous-estime, c’est aussi une personne qui se rassure régulièrement en se disant qu’une grande majorité des altérés ne parviendra jamais à l'attraper. Enfin, au niveau juridique, elle estime naturellement que les lois régissantes les alters sont trop restrictives. Rien de surprenant, venant d’une fille ayant dédié sa vie à la liberté de vouloir les voir utilisé spontanément par tout citoyens. Un alter est une partie de soi et ne devrait être limité qu’en cas de danger public. Et si vous voulez son opinion réellement politique sur le sujet, elle estime que brimer les alters par peur de l’insécurité est une mesure faible et superficielle. Elle vous expliquera alors maladroitement que cette logique détourne l’opinion publique des réels facteurs alimentant le risque de crimes : les conditions de vie misérables. Assurément, elle n’a pas oublié le milieu qui la fait grandir.

Pour elle, le crime n’est qu’une voie alternative pour évoluer dans ce monde.  Évidemment, là on parle de ses valeurs mais clairement elle s’est enfoncée dans l’illégalité parce qu’elle ne voyait plus d’alternatives possibles. Le crime c’est juste un métier et une façon de gagner sa vie comme une autre, de fait elle verra un contrebandier comme un simple commerçant. Pour elle, les méfaits les plus violents peuvent être légitimés par le contexte (et certainement pas par les textes juridiques). Si elle n’est pas concernée (et si elle a la flemme), la femme nuage restera spectatrice. En revanche, si ses intérêts convergents avec sa petite morale, elle sera dans l’action et pourra agir aussi bien contre les héros que les vilains. En fait si l’ennui la pèse, elle pourra même aider ses ennemies comme s’en prendre à d'autres collègues vilains voleurs. Comme dit précédemment, elle est réticente à l’idée d’impliquer des innocents, cependant elle ne connaîtra aucune limite dès lors qu’elle estime sa victime méritante. Ainsi, s’il est bien admis qu’elle vole comme elle respire, il faut savoir aussi qu’elle approuve le meurtre et plus si non-affinité.

À 16 ans, la liste de ses crimes juvéniles était en pleine expansion. Ayant son alter connu de tous et devinant que sa mère collaborerait avec la police après sa fugue, elle restait le plus souvent dans l'ombre. Mitsuki savait que les adultes profiteront des nombreux points faibles de Smokebody pour se saisir d'elle. De fait, elle évitait du mieux que possible de croiser leurs chemins.
Beaucoup de ses méfaits ne lui demandaient pas de sortir de sa cachette. Pour grimper dans l'estime de ses amis, elle joua le rôle du petit génie du mal et s'amusa un temps à être le cerveau à l'origine de nombreux plans. Arnaque et trafic en tous genres étaient alors son quotidien, mais cela ne l'empêcha pas de profiter de la discrétion de son alter pour investir d'autres activités. Lorsqu’il était question de vol, Mist laissait son rôle de stratège pour faire office d’éclaireuse. Chargée aussi bien de détourner l’attention que de brouiller les caméras, il lui arrivait aussi de mener des leurres ou d’envoyer la police vers un groupe de délinquants rivaux. Enfin quelques rares fois il lui arrivait d'aider ses camarades lorsqu'ils s'embrouillaient avec d'autres pseudos-gangs. Cependant, elle s'engageait dans des combats uniquement dans les lieux les plus déserts.

Opter pour la voie du crime est pour Mist le chemin le plus cohérent avec sa vision du monde. Son côté opportuniste avide de sensation forte mise de coté, elle est surtout persuadée d’avoir absolument le droit d’user et d’abuser de son alter, tant que les dégâts causés ne touchent pas (trop) les civils. Partant du principe que toute la société se base sur le vol, elle ne se considère donc pas si amorale que ça . Plutôt, elle aura tendance à croire que la corruption ambiante empêche les petits gens d’accéder aux ressources nécessaires et par cynisme, elle se permet de prendre tout ce qu’elle veut. Il n’est pas anodin qu’elle cible principalement ceux qui vivent dans l’excès...du moins lorsqu’elle ne s’incruste pas dans des motels poussiéreux (mais pourquoi s’en soucier, puisqu’elle s’invite dans des chambres libres). Au-delà de son éthique, il faut rappeler qu’elle est tombée dans le crime par pure influence. Gamine seule à l’estime de soi anéantit, elle était à la recherche des repères. À l'époque, elle suivait aveuglément son groupe dans l’unique but de devenir quelqu’un à leurs yeux. Maintenant, l’idée de violenter des civils ne l’inspire pas plus que ça. C’est quelque chose qu’elle évitera au mieux, mais ne se tortuera pas l’esprit si cela se produit. Quoi qu'il en soit, elle s’évada de sa ville natale pour opter pour un mode de vie plus pacifique. Au final, on peut dire que c’est sa bienveillance naturelle et son désir de liberté qui s’entremêlèrent pour que naisse la simple cambrioleuse individualiste que voici.