Assis à son bureau, l'officier de police semble se battre avec les différentes feuilles volantes qui traînent devant lui. Dans un profond soupir, il se laisse choir contre le dossier de son fauteuil avant de passer une main dans sa chevelure blonde. Il fixe le tas de papier d'un air désabusé. Son partenaire, au bout de quelques secondes, arrive enfin à le tirer de ses pensées.
«
Hey Golden boy ! »
Un petit sourire s'esquisse sur les lèvres du blondinet. Arrivé des Ex-USA il y a quelques années, l'américain pure souche qu'il est à réussir à se faire un trou au département de police de Tokyo. Ses origines et son accent bien américain, malgré une certaine maîtrise du japonais, lui ont valu ce surnom un tantinet moqueur mais il le vit plutôt bien.
«
Tu devrais vraiment penser à remettre ton téléphone sur sonnerie...-
Oui bah je n'ai plus de batterie.-
Ta femme vient de m'envoyer un message. Il faudrait que tu la rejoignes à l'hôpital.-
Pourquoi ? Elle va bien ? Il lui est arrivé quelque chose ? »
Son partenaire lève les yeux au ciel en voyant l'air inquiet se dessiner sur le visage de l'américain.
«
Bah hormis le fait qu'elle est enceinte depuis 9 mois non je ne crois pas... J'arrive pas à croire que tu vas devenir père... »
L'annonce met plusieurs secondes avant d'arriver au cerveau de l'officier de police. Au bout d'un moment, comprenant enfin ce qu'il se passe, il se lève d'un bond avant de faire quelque pas vers la sortie. Il finit par s'arrêter net.
«
Tu ne me fais pas marcher hein ? C'est en train d'arriver là maintenant tout de suite ? Je te jure que si c'est encore une de tes blagues douteuses, je vais te buter...-
Moi je crois surtout que si tu n'y vas pas tout de suite, c'est elle qui va te buter !-
Tu marques un point... »
L'agent Collier se met à courir en direction de la sortie sous le rire aux larmes de son partenaire...
«
Tu en as mis du temps...-
Ouais il y avait... »
En voyant le visage de sa femme, il préfère laisser la fin de sa phrase mourir. Malgré son état de fatigue très prononcé, son regard ne trompe pas. Il se met alors à lui sourire avant de s'excuser. Sourire qui lui est rapidement rendu une fois ses excuses faites. L'attention du policier se reporte alors sur le bébé qu'elle porte dans les bras. Il ne peut s'empêcher de laisser échapper un petit rire lorsque ses yeux se portent sur la tignasse rouge du nouveau-né.
«
Il part déjà mal dans la vie sans ma splendide chevelure blonde qui a fait craqué tant de femmes... et d'hommes aussi d'ailleurs ! »
Le coup qu'il prend à l'avant-bras le fait méchamment grimacé. C'est au tour de la jeune maman d'émettre un petit rire amusé. La main du blondinet vient toucher le visage de sa femme avant de venir lui chatouiller ses oreilles de renarde, alter de mutation visible depuis la naissance de sa femme. Jamais il n'a été aussi heureux de sa vie et pour rien au monde il y changerait quoi que ce soit.
***
Les petits yeux noisettes de Nicholas s'ouvre lorsque la lampe de chevet se met à illuminer la pièce progressivement. Le gamin de sept ans s'étire longuement avant de s'extirper de son lit. Tout en baillant, il se dirige vers la cuisine et commence par faire couler du café dans deux tasses. Pendant que celui-ci se prépare, il laisse ses pas le guider vers le bureau de son père. Il ne peut s'empêcher de sourire en le voyant avachi sur son bureau en train de rattraper du sommeil perdu sur l'une de ses enquêtes. Le petit garçon continue son chemin pour atterrir dans le salon et, là aussi, il n'est pas surpris d'y trouver sa mère, complètement épuisée, en train de dormir sur le canapé. Il sait qu'elle est encore sortie jusqu'à tard hier soir et que, de ce qu'il en voit, il y a eu du grabuge. Le côté animal de sa maman ressort plus que d'habitude. Il sait que c'est normal lorsqu'elle utilise son pouvoir. Sa maman est d'ailleurs passée quelques fois à la télé locale à cause de ça. Plusieurs poches de glace, complètement décongelées, sont positionnées sur son épaule gauche, sa hanche droite et son genou gauche. Tout doucement, le petit Collier les retire avant de tirer une couverture sur sa mère. Il s'éclipse alors à la cuisine avant d'apporter une tasse de café à chacun de ses parents. Il y laisse également à côté un petit post-it avec un cœur dessiné dessus. Content de lui, il file à la douche avant de se préparer à partir pour l'école.
***
Exténué, Nicholas passe les grilles du collège tout en baillant. Après avoir salué ses amis, il tire mollement le téléphone portable de sa poche lorsqu'il sent celui-ci se mettre à vibrer. Un message de son père.
« Rejoins-moi au niveau de la fontaine du centre commercial, on doit trouver un cadeau pour ta mère ! »
Un petit sourire amusé se dessine alors sur son visage. L'anniversaire de sa mère approche et son père, comme d'habitude, s'y prend au dernier moment. Après avoir réajusté son sac sur l'épaule, il commence tranquillement à se diriger vers le lieu de rendez-vous.
Assis sur le bord d'une fontaine au milieu de l'allée centrale, l'adolescent observe sagement la foule qui défile devant lui en attendant son père. Une nouvelle vibration le tire de ses pensées.
« J'arrive dans quelques minutes. »
Il se met alors à hausser les épaules avant de recevoir un nouveau message dans la conversation.
« Je sais qui elle est... »
Nicholas plisse un peu les yeux alors qu'un sentiment d'incompréhension commence à s'emparer de lui. Son père s'est probablement trompé de destinataire. L'appareil électronique se met à vibrer de manière répétée. Perturbé, le jeune garçon se redresse avant de regarder autour de lui. Un sentiment d'angoisse se saisit de lui lorsqu'il repose ses yeux sur le téléphone. A chaque vibration, ce sentiment d'angoisse s’accroît. Il voit défiler des preuves reliant l'identité secrète de sa mère à son identité civile : Morceaux de dossiers, photos d'elle en tenue d'héroïne incomplète ou en opération.
« Megara Emiko est Lady Fox. »
L'adolescent se met à trembler en voyant la nouvelle série de photos. Des photos de lui dans son quotidien dont la plus récente date d'il y a quelques secondes. Son père le tire de cette torpeur en posant une main sur son épaule.
«
Bah alors qu'est ce qui t'arrive? »
Incapable de parler, il tend, d'une main tremblotante, le téléphone à son paternel. Sans tergiverser, celui-ci l'attrape par le col avant de le pousser vers la sortie. Une nouvelle vibration retentit. Le message est on ne peut plus explicite.
« BOOM ! »
Une sonnerie retentit au niveau de la fontaine. Trou noir...
Le brancard vient défoncer les portes des urgences. Tandis qu'un ambulancier pousse rapidement le chariot, un autre est à cheval sur le garçon et fait tout ce qu'il peut pour le garder en vie. Les infirmières ne peuvent s'empêcher de bloquer une poignée de secondes en voyant cette scène d'horreur sous leurs yeux. Le médecin urgentiste rejoint rapidement les ambulanciers au niveau du brancard.
«
Jeune homme de douze ans victime d'une explosion dans un centre commercial. Identité inconnu. Sévèrement touché sur le côté droit. Jambe et bras arrachés. Pneumothorax traité. Commotion cérébrale. Asystolie depuis qu'on est sur le parking. »
Au même moment, l'ensemble des bipeurs du personnel se met à sonner à l'unisson. Les ambulanciers ne prennent pas le temps de regarder, ils savent pourquoi... Des dizaines de blessés ont encore besoin d'eux...
Ce n'est que plus tard qu'ils apprendront que sur la trentaine de victimes, ils en sauveront quatorze... Nicholas lui apprendra qu'il ne doit sa survie qu'à un défaut de conception de la bombe, qui s'est déclenchée à retardement et lui a donc permis de s'écarter suffisamment, et au sacrifice de son père, qui s'est interposé entre lui et le blast de l'explosion.
***
Nicholas se redresse brusquement de son lit. En sueur et haletant, il met plusieurs secondes avant de réaliser où il se trouve. Tout en fermant les yeux, il se met à inspirer et expirer profondément. Il décide enfin de se lever après plusieurs minutes puis se dirige vers la salle de bain. L'eau chaude lui fait du bien tandis qu'il fixe sa jambe et son bras droit. Depuis le temps, il s'est habitué au bruit de l'eau sur le métal. La visite d'hier lui a permis de faire réajuster ses membres. Il ne le pensait pas possible mais, à dix neuf ans, il a encore grandi de quelques centimètres.
C'est avec une serviette autour de la taille et une autre sur le crâne qu'il sort de la pièce pour rejoindre le salon. Le jeune homme pousse un léger soupir en voyant l'heure : 3:37. Il lui reste encore pas mal de temps avant de rejoindre son oncle...
«
Nick, je ne vais pas pouvoir m'occuper de toi.-
Ok... Je croyais que je devais commencer aujourd'hui.-
Ah mais oui tu commences bien aujourd'hui. J'ai trouvé la personne parfaite pour ça ! C'est juste que je ne serai pas présent.-
D'accord... et merci !-
Pas de quoi. Ça sert à ça la famille mon grand. »
Le jeune Collier regarde pendant quelques secondes le téléphone avant de le glisser de nouveau dans sa poche de jean. Son oncle David est venu le chercher quelques mois après son incident pour le ramener chez lui, aux Ex-USA. Sa mère, malheureusement, ne s'y est pas opposée. PDG d'une entreprise de sécurité, il a payé la scolarité ainsi que la formation d'agent de sécurité rapproché de Nicholas. Il en a fait de même avec ses prothèses. A défaut de sa mère, son oncle a tout fait pour qu'il puisse rebondir et s'offrir une nouvelle vie. Impossible pour le jeune homme de se défiler, il n'en est pas question.
«
Bonjour, excusez-moi de vous déranger, je suis Nicholas Collier...-
Ah oui, c'est donc vous le neveu de David ? Elisabeth vous attend au complexe sportif.-
Oui tout à fait, c'est moi ! D'accord, je pourrai savoir où il se trouve ?-
Bien sûr... »
Les explications données par l’hôtesse d'accueil sont suffisamment claires pour lui permettre de se repérer. En même temps, il est assez difficile de louper le gymnase en plein centre de l’infrastructure. Au pays de la décadence et de la surenchère, cela ne l'étonne qu'à moitié.
«
Te voilà enfin Nicky ! »
Le jeune homme se met à tiquer lorsqu'il entend ce surnom ridicule. La jeune femme qui lui fait face lui adresse un grand sourire. Petite brunette aux yeux verts avec quelques années de plus que lui, elle penche légèrement la tête sur le côté et commence à l'inspecter de la tête aux pieds. Cette situation le met un peu mal à l'aise mais il préfère ne rien dire.
«
Monte sur le ring. On va jouer à un petit jeu : A chaque fois que l'un d'entre nous tombe au sol à cause de l'autre, il doit répondre à une question posée ! »
Tout en souriant, le jeune homme hoche doucement la tête. L'air complètement décontracté d'Elisabeth perturbe légèrement le jeune homme. Son instinct lui dit de faire attention.
«
Qu'est ce que tu fais ? Laisses-ça. Tu as fini ta formation non ? Maintenant tu es dans la cour des grands. Tu crois qu'on te laissera le temps d'enfiler des protections en mission ? Tu dois réagir dans l'instant présent avec ce que tu as.-
Ok... »
Définitivement, quelque chose ne va pas.
Ils se mettent en position au milieu du ring. La tension est palpable. Nicholas, de par ses déplacements, essaye d'acculer la jeune femme contre les cordes pour la forcer à réagir. L'échange de coups qui suit ne donne l'avantage à personne. Il finit néanmoins par réussir à la bloquer dans les cordes et s'apprête à attaquer. Seulement, alors qu'il ne se trouve pas encore à la portée de son adversaire, le jeune homme heurte le sol violemment avec l'impression de s'être pris un bus de plein fouet. La première question tombe, il y répond avec un sourire amusé. La détermination dans son regard est grande tandis qu'il se relève difficilement. Le combat ne fait que commencer...
***
Nicholas inspire et expire longuement avant d'essayer de se détendre. Il ferme et ouvre plusieurs fois sa main métallique et vérifie la fixation du holster à sa ceinture. Il essuie la transpiration qui perle sur son front et vient décoller le débardeur qui lui colle à la peau. Il n'a pas besoin de tourner la tête pour savoir qu'il est seul dans le stand de tir. En position, il vient heurter le bouton sur le panneau en face de lui permettant de déclencher l'exercice. Le premier buzzer retentit. Sa main métallique agrippe naturellement la crosse de son arme avant de la sortir du holster dans un mouvement rapide et fluide. Le tir groupé de cinq balles vient trouer la cible qui se trouve à dix mètres. Deuxième buzzer. Le jeune agent, sans quitter la cible des yeux, éjecte le chargeur de son arme avant d'en glisser un autre qu'il attrape à sa ceinture. La nouvelle salve de balle vient heurter la même cible. Un bip final retentit alors. Après avoir sécurisé son arme, il fixe le tableau des scores : 9ième position.
Elisabeth l'observe à travers la vitre teintée. Elle fait tranquillement les cent pas tandis que David rentre dans la pièce.
«
Tu es bien matinale !-
C'est surtout Nicholas qui l'est. Lui et le sommeil, ça fait deux à priori.-
Je ne t'ai jamais vu comme ça avec un nouvel élément. Il t'intrigue hein ?-
Nouvel élément ? Ça fait quand même 2 ans qu'il est avec nous.-
Ouais enfin tu ne l'as pas lâché depuis...-
87.-
Pardon ?-
C'est le nombre de fois qu'il s'est relevé le premier jour. »
David laisse échapper un petit rire tandis qu'il regarde son neveu refaire le même exercice avec sa main gauche.
«
Il a répondu à toutes les questions ?-
Oui ! J'aimerai que tu le mettes dans mon équipe sur les dossiers sensibles...-
Parce qu'il s'est relevé 87 fois en un combat ? -
Oui mais aussi pour ça... »
Tout en le désignant, elle ralentit le rythme de sa marche. Instinctivement, le jeune homme tourne la tête sur le côté et l'observe à travers la vitre teintée.
«
Il a donc encore progressé... Qu'est ce que tu lui as dit encore ?-
Que d'ici la fin de son entraînement, je l'aiderai à trouver le sommeil.-
Ah bah bravo !-
Plus sérieusement, une personne comme lui pourrait faciliter les extractions...-
S'il finit dans ton équipe, il va se retrouver face à des menaces d'un tout autre niveau. Tu crois pas qu'il en a assez bavé comme ça ? -
D'accord, ce n'est pas comme s'il pouvait casser des murs à mains nues ou sauter d'immeubles en immeubles, mais on a déjà des personnes pour faire ce genre de choses. On lui a appris à se servir de sa tête et ses progrès sont vraiment impressionnants. Il reste un humain mais regarde... il se donne à fond. Tu sais que ses évaluations sont au dessus de la moyenne. -
Je reste sceptique. Savoir est une chose, réagir en est une autre. Face à une personne possédant aussi un pouvoir...-
Je te dis qu'il a sa place.-
C'est toi qui voit. »
***
Il y a 6 mois.«
Alors Doc, Verdict ?-Tes côtes et ton épaule gauche ont bien récupérés. Tes cervicales également. Il va falloir que tu fasses plus attention à l'avenir...
-
J'y penserai la prochaine fois que je me retrouverai face à un type qui me charge comme un missile sol/sol... »
Il enfile sa chemise avant de la reboutonner. Après avoir remercié le médecin, il attrape sa veste avant de rejoindre la jeune femme dans le couloir. En voyant sa tête, il finit par lâcher un sourire rassurant.
«
C'est tout bon. Je suis apte pour le service, Cheffe ! »
Face à son silence, il finit par mettre de côté l'aspect professionnel et la prend dans ses bras. Elle se laisse faire. Au bout de longues secondes, elle décide de rompre le silence en gardant sa tête collée contre son torse.
«
Ton oncle avait raison... Je n'aurai pas dû t'intégrer...-
Lise, ça fait quoi ? 7 ans qu'on se connaît et 5 ans qu'on travaille ensemble... Je te rappelle que j'ai dit oui en connaissance de cause ! Le client est sauf et je suis entier. Tu devrais être fière plutôt, j'ai pu me décaler de presque 5 centimètres avant qu'il me percute avec sa « super-charge » ?
-
T'es con... »
Le jeune Collier finit par lui ébouriffer les cheveux. Elle finit par relever la tête et lui sourire.
«
Profite de ta journée. Je te veux frais et dispo demain. On a du boulot !-
A demain ! »
Il secoue légèrement la tête en voyant sa supérieure partir. Il retire le téléphone qui est en train de vibrer de sa poche. Le jeune agent finit par froncer les sourcils en voyant l'origine de l'appel. En décrochant, il écoute une langue qu'il n'a pas entendu depuis longtemps. Machinalement, ses origines reprennent le dessus et il se met à converser dans sa langue maternelle. L'annonce le laisse sans voix. Après avoir raccroché, il se dirige vers la sortie...
Nicholas passe les portes d'entrée de l'agence sans même faire attention à ce qui l'entoure. Après avoir adressé un signe de main à quelques collègues qui le salue au passage, il monte les escaliers en direction du bureau de son oncle. Il toque à la porte et finit par rentrer dans la pièce en faisant face à David.
«
Je ne vais pas pouvoir reprendre.-
Ta visite s'est mal passée ? J'ai croisé Lise et ça avait l'air d'aller pourtant.-
Ce n'est pas ça... »
Comme pour se donner de la force, le jeune homme fait quelques pas tout en croisant les bras. Il finit par s'arrêter de nouveau en face de son interlocuteur.
«
Ma mère est morte. »