[AV/T - NF ] Zhijang Tchao

Printemps 295 – Province de Shaanxi – Chine

‘’Mlle Zhijang, vous ne serez jamais quelqu’un d’exceptionnel.’’

La jeune femme ferma les yeux en entendant cette phrase. A force, une certaine forme d’habitude s’était créée à écouter ces mêmes mots être prononcés. Oh, parfois, ils étaient sortis différemment, d’une autre manière, avec un peu plus de douceur dans les intentions, mais le sens demeurait inlassablement identique. Elle n’était pas destinée à sortir de la masse, qu’importe la manière qu’elle pourrait employer.

Les meilleurs étudiants allaient dans des pays étrangers où étaient invités dans de prestigieuses universités, même dans un lycée de province comme le sien, mais c’était loin d’être son cas. Elle n’était pas idiote non plus, mais pas scolaire. Apprendre les mêmes formules, les mêmes signes à longueur de journée réussissait juste à l’ennuyer aussi rapidement que possible. Choisir une orientation scientifique n’avait surement pas été le meilleur choix de sa vie, mais cela avait été le souhait de ses parents, pour qu’au moins quelqu’un puisse sortir du lot. Mais à entendre les mêmes discours, ce ne serait pas elle.

Déjà que la fin de l’année approchait et qu’elle n’avait aucune certitude d’être invitée aux potentielles épreuves de rattrapage, son avenir serait d’autant plus flou. Elle avait déjà, par moment, songé à arrêter les cours, et trouver un travail quelque part, dans une usine ou un atelier, mais ce n’était pas l’avenir qui lui était incombé, et elle essayait, malgré tout, de s’améliorer, sans grands résultats.

Elle était persévérante habituellement, mais toutes ces choses lui donnaient envie de lâcher prise. La pression de ses parents, celle de l’état, de la toute puissante Chine… Elle voulait y répondre au mieux, et cela depuis sa plus tendre enfance. Tout le monde avait des attentes quand à cette nouvelle génération qui devait faire ses preuves, et elle n’avait malheureusement pas la chance d’être une altérée, ces personnes qui disposaient d’incroyables pouvoirs… Elle n’en était pas une, et elle devait faire avec.

Mais comment ? Elle n’était pas une génie et son âme ne fourmillait pas d’incroyables qualités humaines. Elle pouvait être impatiente, elle pouvait être colérique, elle pouvait avoir les milles tarres d’une adolescente qui cherchait sa place dans un monde si grand.

Elle avait des qualités aussi, une certaine droiture qui s’imposait en elle… Face à une injustice, elle ne demeurait pas discrète, quitte à se prendre des coups. Par chance, elle avait aussi l’habitude d’en distribuer… Eh oui, son adolescence avait tout de même été mouvementée… Elle s’était trouvée une petite bande avec d’autres jeunes, histoires de profiter un peu de la vie. Rien de bien préjudiciable, pas d'agression ou de braquage à son actif, juste de tardives veillées et quelques excès de vitesses sur les routes de campagne.

Néanmoins, ceci appartenait au passé. Elle avait préféré mettre de côté toute cette histoire lorsqu’elle avait été raccompagnée chez ses parents par les forces de l’ordre après une bêtise un peu ridicule par rapport à ce qu’elle avait put faire. Ce n’était toutefois pas l'engueulade qu’il put y avoir qui allait décourager la demoiselle, elle avait tout de même du répondant, mais… C’était plus sec. Juste le regard déçu de sa famille avait suffit à la mettre dans le droit chemin.

Elle avait dû accepter l’autorité. Sa phase un peu rebelle s’était évanouie au profit d’une personnalité plus discrète, plus travailleuse, mais avec toujours cette une flamme en son coeur, celle de protéger les autres et de servir sa patrie. C’était du nationalisme, bien qu’elle ne soit qu’un minuscule point dans la masse grouillante d’individu que pouvait être l’Empire céleste.

Elle avait appris à être solide, à être résiliente, à ne pas montrer ses émotions. Elle n’avait jamais été une grande pleurnicheuse, mais elle pouvait mériter le surnom de “Stone Cold”, et ce que semblait par ailleurs témoigner son reflet par la fenêtre vers laquelle elle avait tournée son regard.

“Mlle Zhijang ?”

Qu’est-ce qu’elle pouvait voir ? Il y avait bien évidemment sa tête blonde aux yeux bruns acérés. Elle avait réussi à intimider certaines têtes brûlées d’un simple regard soutenu. Il fallait dire aussi sa taille proche du mètre quatre-vingt participait à cette impression. Elle avait le corps d’une personne qui pourrait avec facilité mettre à mal quelques petites têtes de son établissement afin de récupérer des devoirs déjà corrigés…

Athlétique, il n’y avait toujours eu qu’en sport où elle excellait. Vive, elle n’était pourtant pas inutilement musclée… Elle disposait plutôt d’une carrure de chat maigre, à la fois souple et avec une excellente détente… Probablement pour ça qu’elle avait performée lors de quelques cours de basket ou de football, sans pour autant avoir l’envie d’embrasser une carrière sportive, bien qu’il aurait pu s’agir là pour elle d’une manière de sortir du lot. Elle était bonne, très bonne même, mais pas non plus exceptionnelle sur ces points.

Donc que lui restait-elle ? Toujours cette apparence assez naturelle qu’elle abordait. Ses cheveux longs étaient ramenés à l’arrière de sa tête et attachés relativement rapidement, sans pour autant donner une impression de désordre. Ses habits n’étaient pas non plus très élaborés, la demoiselle portant très régulièrement un t-shirt noir à col roulé ainsi qu’un jean bleuté plus fonctionnel qu’autre chose. Mais une idée était dans sa tête actuellement, une idée qui lui était venu depuis longtemps, mais sur laquelle elle réfléchissait sérieusement dessus depuis qu’elle avait vu une publicité sur internet…

Elle se tourna donc vers la conseillère d’orientation. Rien d’exceptionnel donc ? Elle pourrait néanmoins servir son pays de la plus simple des manières alors…

“Et quand à l’armée ?”

Eté 296 – Province de Qinghai – Chine

”Caporal Zhijang.”

”Lieutenant.”

”Installez-vous.”

Le vieil homme désigna une chaise devant son bureau, tout en s’installant lui aussi, sortant d’un tiroir un paquet de cigarette. En prenant immédiatement deux, il vint à en allumer une qu’il porta à sa bouche, pendant que la seconde arrivait au-dessus de son oreille droite, probablement réservée pour la fin de cette conversation qu’il entretenait actuellement avec sa subalterne. Il tira une longue bouffée de nicotine, avant de poser ses coudes sur son bureau, laissant un peu de cendre tomber au niveau des différents documents empilés parmi lesquels il fouilla, avant de récupérer celui qui l’intéressait.

”Permettez-moi de lire votre dossier… Alors, Tchao Zhijang, née le 9 août 277 en périphérie de Baoji de parents ouvriers. Deux frères jumeaux aînés d’une demie décennie, ouvriers également… On dirait que le travail à l’usine est une coutume familiale chez vous… Pourquoi ne pas l’avoir suivi ?”

“Je souhaitais servir mon pays au mieux, et cela n’aurait pas été le cas en étant dans une fabrique.”

“Votre cas est tout de même assez particulier… Pas un de vos ascendants des six dernières générations ne s’est engagé sous les drapeaux de notre grande nation, et vous même, vous n’êtes même pas issue d’une école de l’armée rouge. Mais cela fait environ une année que vous vous êtes enrolée, et jusqu’à maintenant… Vos états de services sont exemplaires et à la vue des nombreuses recommandations qui vous accompagnent, je me dois de craindre que la moitié de votre régiment a eu l’occasion de vous connaître intimement.”

Il se prit seul d’un rire, pendant que la demoiselle tenta de masquer une forme d’agacement. Elle aurait pu souffler, s’offusquer et autre, mais face à un supérieur, cela aurait pu être plutôt dommageable. Elle préférait donc simplement encaisser. Après, dans les faits, il était vrai qu’elle était une des très rare femme des troupes présentes sur place, d’autant qu’elle avait en plus l’avantage ne pas être foncièrement désagréable à regarder, ce qui, pour le commun des hommes, la passait immédiatement au rang de déesse. Et il arrivait qu’en effet, parfois, elle vienne à prendre un peu de bon temps… Mais il s’agissait uniquement de quelques coups d’un soir sans lendemain, et surtout, jamais avec ses supérieurs.

Enfin, les rapports que j’ai sous les yeux sont vraiment élogieux à votre égard. Intégrée dans les rangs, tireuse confirmée, respect de la hiérarchie, aucun problème disciplinaire… Vous êtes passée première classe en trois mois et caporal en cinq supplémentaire, pile après votre retour de mission. Est-ce que vous pouvez m’en parler ?”

“Très bien. Ma section avait été déployée au maintien de la sécurité au sein de l’aéroport de Xining. Nos surveillances consistaient majoritairement en la sécurisation de bagages abandonnés et des contrôles de comportement suspects. Mais le 13 avril aux environs de 15 heures, une situation vint à nécessiter notre intervention.’’

‘’Développez.”

“Trois hommes tentèrent de braquer une bijouterie. Leur plan était de se dissimuler dans les parkings, avant de prendre un avion pour Pékin et disparaître de la circulation. Malheureusement pour eux, nous étions sur place et avons immédiatement réagi conformément à notre entrainement. Toutefois, un des criminels se trouvait être un altéré, disposant du pouvoir de résister à toute forme de projectile. Des coups de feu ont alors été échangés, mais à cause de cet alter, nos tirs se sont montrés inefficaces et un des nôtres s’est retrouvé blessé.’’

Elle vint à marquer une petite pause, prenant un peu de temps pour poursuivre son histoire :

‘’En temps normal, dans une telle situation, nous aurions dû nous replier tout en empêchant ces criminels de quitter les lieux, en attendant des renforts héroïques afin de contrer la menace. Mais la blessure de mon compagnon était grave, et sans une stabilisation rapide, il n’aurait pas survécu. J’ai pris donc l’initiative de rompre la formation et d’affronter ces criminels au corps à corps. Je reconnais pleinement les risques de cette manoeuvre, mais, sur le moment, agir me paraissait nécessaire.’’

‘’C’était dangereux.’’

‘’Les couvertures étaient nombreuses et leurs temps de rechargement suffisamment long pour me permettre d’avancer, et c’est ce qu’il se produisit. Une fois au corps à corps, j’eu la possibilité de sectionner les tendons des agresseurs, avant de procéder à leur neutralisation. Mais ma priorité fut alors de secourir mon camarade.”

“J’ai entendu dire ça oui. Plusieurs mois à l’hosto, mais en vie… Et du côté public, une opération rondement menée sans qu’il n’y ait de morts à déplorer.’’

“Cela conduisit néanmoins à un conflit avec les autorités Indonésiennes, étant donné que les criminels en étaient des ressortissants.’’

‘’Nous ne sommes pas là pour assurer les questions diplomatiques. Nous sommes là parce que l’on nous confie une mission. Et c’est par ailleurs pour ça que je vous ai convoqué… Vous avez choisie de prolonger votre engagement au sein de l’armée et,bien que jeune, vous êtes un bon élément et je ne vous donne pas dix ans avant d’obtenir un galon d’officier. Nous comptons établir une nouvelle base militaire à l’ouest, proche de la frontière Bhoutanaise. Dans trois mois vous y serez et ce sera votre nouvelle affectation.”

“Je vois. A vos ordres.

”Vous servez votre pays soldat. Repos.”

Printemps 301 – Dzonkhag Trashiyangste– Bhoutan

“Tchao Zhijang… Ou devrais-je, sergent-chef Zhijang…”

Une voix d’homme. Reprendre conscience semblait être une chose si difficile pour la demoiselle,dont la tête semblait vibrer d’une manière assourdissante. Ce n’était pas qu’une simple migraine qui la traversait actuellement, comme pouvait en témoigner le sifflement qui persistait dans ses oreilles.

“Tu as mal non ? C’est douloureux j’imagine…”

Un grand bruit, un claque venant résonner sur son visage et la faire tomber sur le côté, la réveillant un peu, se rendant compte un peu plus de sa situation. Elle était attachée, nouée à une chaise alors que ses habits étaient maculés à plusieurs endroits de sang et que son corps était d’une si grande douleur.

“Quoi de plus normal. Ton véhicule a roulé sur une mine, et boum. Plus personne en vie… Sauf toi. Tu es seule maintenant. Seule… Avec nous.”

Lançant son regard, Tchao pu constater la présence de plusieurs hommes armés dans les environs. Il faisait assez sombre, comme si elle se trouvait à l’intérieur d’une caverne… Mais le drapeau accroché sur le mur au fond ne pouvait lui mentir : Elle se trouvait au Bhoutan, surement bien loin de sa base d’opération.

L’un de ses geôlier, le plus bavard, vint à s’approcher et à la saisir par les cheveux, avant de la redresser, et de lui en recoller un nouveau coup au passage. Mais la douleur était effacée par cette sensation de vertige qu’elle ressentait. Elle avait probablement perdue beaucoup de sang dans cette… Explosion ? Elle réalisait encore bien difficilement tout ceci, et ce ne fut qu’en levant le regard qu’elle pu constater l’objectif d’une caméra braqué sur elle, avec un certain nombre de lumière allumées… Si elle avait été capturée par des forces ennemis, des rebelles…

Elle connaissait son destin maintenant. Elle allait être torturée et interrogé, avant d’être exécutée, pour servir de démonstration, de menace. Ses premières pensées furent alors un éternel “Déjà ?”, et que dire, elle n’avait pas encore ses vingts-cinqs ans… Mais à ce compte là, beaucoup de soldats étaient mort plus jeunes encore, et parfois de sa main.

“Quelle est ta mission, ennemi du Bhoutan ?”

Elle ne répondit pas, détournant simplement son regard de l’objectif, jusqu’à se reprendre un violent coup dans la mâchoire et un couteau sous la gorge en guise d’avertissement !

“Quelle est ta mission ?!”

“Ma mission… Est de protéger les forces médicales que nous envoyons… Afin de protéger la population du conflit.”

Un nouveau coup, un nouveau cri !

“MENTEUSE !”

Elle tombait à terre, une nouvelle fois.

“Je sais ce que pourquoi vous êtes venus ! Vous êtes là pour nous envahir, pour imposer VOTRE vision dans NOTRE pays !”

Sonnée, elle ne réagit pas, même si c’était en partie vrai. Ses ordres étaient parfois de prendre d’assaut un camp royaliste afin de supprimer son influence dans la région, toujours sous couverture de l’axe du bien. Lorsque de telles opérations étaient menées, c’était toujours pour la libération de civils ou d’unités médicales, avec toujours un objectif précis pour ne pas paraître l'agresseur…

Se penchant jusqu’à terre, il vint à montrer des plaques d’identification militaires, juste devant le nez de la demoiselle.

‘’Tu vois ça ? C’est la preuve que tu es à nous, et c’est tout ce qu’il restera de toi bientôt. Et nous en avons beaucoup, une paire pour chacun des vôtres que nous avons tués. Je me demanderai bien comment tu te sens maintenant, en sachant que toutes ton escouade a été décimée par un simple petit engin explosif… Oh, mais c’est vrai… Je le sais… Les vôtres ont tellement tués et ravagés sur notre sol que j’ai perdu amis et familles !”

“Ma mission EST de protéger les forces médicales qui…”

“Je perd patience. Allumez le générateur ! Elle sera moins obstinée après s’être reçue quelques centaines de volts.’’

Un grand bruit dans la pièce, une machine qui s’allumait… Il ne fallait pas être un génie pour comprendre la manière dont elle allait être travaillée… Ils prévoyaient de lui faire subir la chaise électrique… Elle vint à être relevée, toujours nouée, alors qu’il continuait de manager une conversation…

“Tu connais j’espère que ça ne te dérange pas, cela risque d’être… Un peu douloureux au début… Puis beaucoup plus après !’’

Sans qu’elle ne puisse réagir plus vigoureusement que par quelques gestes etouffés par ses liens, les hommes présent vinrent à lui placer sur le crâne un casque relié par de nombreux câbles.

‘’Tu va voir, tu va adorer… Un petit choc, cela remet toujours les idées en place !’’

Que lui restait-il, si ce n’était accepter ce châtiment ? Elle ne trahirait pas sa patrie, elle ne trahirait pas, même face à une mort qui allait être enregistrée. Elle n’allait peut-être pas mourir maintenant, peut-être dans quelques minutes ou heures, mais si elle devait faire l’ultime sacrifice, elle le ferait. Sa foi envers l’empire céleste était telle que si elle devait s’y résoudre, elle était en mesure de l’accepter, même si cela devait se faire ainsi.

Ravalant sa salive sur ce qui pourrait être une dernière fois, elle ferma les yeux pile au moment où l'interrupteur vint à être abaissé. Des centaines, peut-être des milliers de volts vinrent à parcourir son corps de part en part, ce qui avait de quoi détruire toutes ses terminaisons nerveuses et faire fondre ses organes…

Mais étrangement, elle ne ressentait rien. Pas d’immense douleur, pas de tremblements, pas de… Enfin, rien… Pire encore… Elle se sentait juste… Bien en fait. Aussi étrange que cela pouvait-être. C’était drôle, elle s’était toujours imaginée autre chose.

“Vous avez fait sauter le générateur ?!”

“Non chef ! Il fonctionne !”

“Vous avez dû merder les branchements ! Bon sang, obligé de faire ça soi-même !”

Enervé, il s’approcha, avant de toucher le corps de la demoiselle, mais la réaction qu’il y eu ne fut pas celle escomptée ! En effet, il vint à recevoir également l’électricité qu’il y avait !

“Gaaaarrgh !”

Sa réaction fut à la fois douloureuse et pathétique. Il vint à tomber à terre, en état de choc, pendant qu’elle restait impassible, ouvrant les yeux tout en subissant encore sur cette chaise. Le courant vint à être coupé en urgence, et les hommes présent vinrent à s’approcher de leur chef. Mais du côté de la demoiselle, celle-ci… Se sentait curieusement bien. Etirant ses mains, elle vint à réussir à rompre ses liens sans la moindre difficulté et sans la moindre douleur. C’était comme si l’électricité avait fait d’elle une personne surhumaine ? Mais comment ? Elle se leva, tout autant sidérée que ses ravisseurs, avant de les regarder, un peu confuse certes, mais aussi énervée de ce qu’il s’était passé. Ils s’étaient torchés avec la convention de Genève là, alors… Elle n’allait pas faire de prisonnier.

Elle se sentait pousser des ailes, elle se sentait vivre de nouveau, malgré ses blessures. Elle en saisit un par le col, avant de l’envoyer sans aucune peine à plusieurs mètres de là. Elle en restait juste coïte, regardant l’homme percuter le mur de la caverne pour tomber au sol, blessé par le choc. Et le revers qu’elle donna à l’autre présent l’envoya au tapis aussi rapidement que possible. Elle n’en revenait pas, elle avait dépassée des limites encore jamais atteintes par le commun des mortels. Son regard se jeta alors sur l’objet juste face à elle, la caméra, avant qu’elle ne la fasse tomber. Les seules choses qui purent alors se faire entendre furent le bruit d’une lame dégainée et de quelques effusions de sang dans des cris de douleurs qui laissèrent place à un silence morbide...

Printemps 301 – Province du Tibet – Chine

“Sergent-chef Zhijang ! Je m’attendais pas à vous voir ici ! Enfin, pas de sitôt”

”Colonel.”

”Vous devriez être en repos ! Le médecin vous a arrêté pour au moins deux mois et… Cela ne fait que deux semaines depuis votre retour d’opération.”

”J'apprécie votre prévenance colonel, tout comme celle du personnel médical de la base. Néanmoins mon état ne nécessite pas toute l’inquiétude qui y est attribuée. Je sais que je ne suis pas encore suffisamment remise pour être de retour sur le terrain, néanmoins, je pense l’être pour répondre à votre convocation.”

L’homme, un peu troublé, vint à souffler légèrement en entendant ça. Il connaissait un peu le zèle de sa subordonnée, bien qu’il n’avait jamais eu occasion de discuter seul à seul avec elle. Il reprit néanmoins la parole rapidement :

“Je ne pensais pas que vous y répondriez aussi vite. Très bien, installez-vous !” Il désigna d’une main le fauteuil face à son bureau, pendant que de l’autre il écartait les différents documents qui avaient accaparés son attention jusqu’à maintenant. Il avait quelque chose de plus urgent et de beaucoup plus intéressant en la personne de sa subordonnée. ”Eh bien, tout d’abord… Comment vous sentez-vous ?”

“J’ai encore quelques douleurs au niveau du torse en cas d’effort mais je pense être bientôt opérationnelle.”

”Et mentalement ?”

“Je tiendrais le coup. J’ai déjà perdu des camarades au combat, tout comme j’ai déjà reçu des blessures. La seule chose que je regrette, c’est de n’avoir aucun souvenir de l’explosion, de ne pas savoir comment tout cela s’est déroulé.”

”Vous n’avez pas à regretter. Ce qu’il s’est passé est terrible, mais vous avez déjà fait plus que le nécessaire pour les venger. Et c’est par rapport à ça que je vous ai convoqué… A ce comment vous vous êtes libérée.

“Je ne sais pas vraiment. J’ai été électrocutée, mais… Je ne ressentais pas la douleur sur le moment… Je crois que c’était un grand pic d’adrénaline.”

‘’La vérité est autre, sergent-chef. La vidéo que vous avez récupérer montrant votre interrogatoire et les analyses effectués durant votre séjour à l'hôpital nous certifies une autre théorie… J’ai fait refaire votre test génétique dès votre retour, votre histoire paraissant… Particulière, et il s’est avéré que vos résultats divergeaient sur de nombreux point par rapport à ceux effectués durant votre enfance.’’

“C’est-à-dire ? Je ne comprend pas.”

“Vous n’avez pas été exposée à des radiations ? Pas eu de mutation génétique ?”

‘’Pas à ma connaissance, loin de moi ces idées. Pourquoi ?’’

‘’Je suppose que la clinique ayant dû effectuer ce test a été… Négligente. Probablement une erreur, mais selon ce test… Je ne sais même pas si vous devriez être une femme !’’

Il essaya de camoufler un petit rire, un peu nerveux, pour reprendre :

‘’Sergent-chef, vous êtes une altérée.’’

La demoiselle resta sans voix, fronçant un peu les sourcils dans le doûte d’une telle situation.

‘’Vous ne vous  en êtes jamais rendue compte ? Vous n’avez jamais été exposée à une source d’électricité ?’’

‘’Eh bien… Pas vraiment. Les seuls chocs que je recevais étaient ceux de l’adrénaline… En fait, à bien y réfléchir… C’est déjà arrivé que des appareils tombent en panne face à moi ou que des ampoules grésillent à mon passage, mais... Bon, cela arrivait depuis longtemps tout de même, avant même que je ne sache bien lire mais... Je n'ai je pensais juste que je jouais seulement de malchance…’’

‘’Oh que non, sergent-chef, oh que non… Les choses vont bien évoluer. Je sais que ce qui vous motive, au plus profond de vous, a toujours été de rendre fier vos parents et de servir votre pays. Vous l’avez toujours souhaitée, et il s’agissait pour vous d’un rêve… Et il va devenir encore plus réel maintenant que nous avons découvert cela. Il va vous falloir voir encore plus haut qu’une carrière dans l’armée, vous allez devenir bien plus !”

“Etes-vous en train de me dire… Que je vais devenir une héroïne ?”

“C’est ce qu’il vous attend oui. J’ai lu dans votre dossier que vous aviez toujours souhaitée que la justice prédomine au quotidien. Nous avons des échos de votre lycée par exemple, ou de plusieurs soldats qui témoignent de votre rôle en tant que médiatrice durant des conflits internes à votre unité. Vous allez devenir une héroïne sergent-chef, vous en allez en devenir une. Vous allez être quelqu’un d’exceptionnel…”

Printemps 301 – Municipalité de Shanghai – Chine

“Oh, Mlle Zhijang ! Mlle Zhijang !

L’homme en costard se pressa d’accourrir à côté de la femme en uniforme bleuté. D’une quarantaine active, il semblait être un peu déboussolé, comme s’il avait passé plusieurs dizaines de minutes à chercher dans le grand bâtiment la demoiselle, qui regardait un peu stoïquement l’homme d’affaire reprendre son souffle après ce qui semblait avoir été un grand effort.

‘’Ha… Ha… Excusez-moi, je n’arrivais pas à vous trouver… Félicitation déjà pour votre promotion ! Arriver au grade de lieutenant avant ses vingt-cinq ans et en partant tout en bas… Vous avez une histoire qui fait vendre !”

“Je vois que je n’aurais pas besoin de me présenter à vous.”

“Ah oui, excusez-moi ! Zhang Wu, reporter aux chroniques célestes. Est-ce que vous auriez quelques minutes à m’accorder pour répondre à quelques questions ?”

“Eh bien… Oui, je vous écoute.” Fit-elle après avoir regardée un court instant derrière le journaliste, pour voir des hauts gradés lui faire oui de la tête. Maintenant qu’elle était officiellement altérée et en chemin pour devenir une héroïne, elle se devait d’être une image, et donc de répondre autant de fois que nécessaire.

‘’Oh super ! Alors, première question… Que pensez-vous de l’existence des Alters maintenant que vous êtes une vous même ? Voyez-vous ça comme une bonne ou une mauvaise chose ?”

“Hum… Lorsque je vois une personne altérée, je vois avant tout un de mes concitoyens, et mon regard n’en est pas modifié. Je ne suis pas pro ou anti-alter, car ce qui importe à mes yeux, c’est les actes de chacun. Chaque personne est responsable de ce qu’il fait et des causes qu’il défend, et les alters sont un moyen d’agir.”

Elle lança tout de même un regard à ses supérieurs, avant de poursuivre :

“Mais les altérés, via les possibilités qu’ils possèdent, se doivent de montrer l’exemple, et c’est un rôle que je suis prête à avoir pour le bien de notre grande nation.’’

“Et concernant le vôtre ?”

“Je ne serais que difficilement objective, vu que je lui dois ma vie, et même si c’est encore nouveau pour moi, je suis heureuse de pouvoir servir notre pays de cette nouvelle manière.”

“Je vois, et concernant les réglementations en vigueur ?”

“Je peux comprendre ceux qui aimeraient pouvoir utiliser sans limite ces particularités, après tout, elle font parties de qui ils sont. Néanmoins, lorsqu’un risque est présent, nous nous devons de penser à la sécurité de tous. Ce n’est pas parce qu’une personne dispose d’une arme qu’elle a la liberté de s’en servir.”

“D’accord, merci de vos réponses, et… Oh, une dernière ! Juste une ! Promis, elle ne sera pas longue...”

"Je vous écoute."

"Est-il vrai qu'au Bhoutan, vous vous êtes rendue responsable de crimes de guerre ?"

La demoiselle vint à complètement surprise, prise de court par une telle question. C'était faux, elle avait toujours agit selon les ordres, sans faire d'excès de zèle ou de barbarie !

"Je vous demande pardon ?! Quel est donc cette..."

"Le cas des actes de mademoiselle Zhijang est soumis à enquête, ne vous en faîtes pas. Fit un de ses supérieurs en s'approchant, tout en posant une main sur l'épaule de la demoiselle, qui vint à lui faire comprendre que le moindre geste pourrait lui être fatal.

"Si chatiment il doit y avoir, il sera exceptionnel... Aussi exceptionnel qu'elle peut l'être... Oh que oui..."

Eté 301 – Province du Tibet – Chine

”Lieutenant, c’est officiel, vous êtes officiellement libérée de vos engagements au sein de l’armée.”

”Cela me fait un peu étrange d’être une fugitive maintenant. C’est presque sept années de ma vie qui... Se terminent sur une telle note.”

”Publiquement ! C'est pour notre pays que vous le faites... Je ne connais pas toutes les finalités mais pour que de hautes sphères s'intéressent à votre situation... C'est que vous êtes promise à de grandes choses ! Vous serez même peut-être promu à mon poste un jour ! Vous avez les ressources nécessaires au fond de vous pour vous remettre de n’importe quelle situation. S’il y a bien une personne pour qui je ne m’en fais pas, c’est bien pour vous.”

”Merci de votre confiance colonel, j'espère en être à la hauteur.”

”J’espère que votre formation en Japonais sera suffisante. Vous avez eu assez peu de temps pour vous y faire, mais... En même temps, cela renforcera cette belle image de l'exil politique... Méfiez-vous tout de même, les Japonais ne sont pas spécialement reconnus comme étant accueillant.”

”Je prendrais des cours sur place, et puis... Il y aura cette licence héroïque... J’aurais des cours jusqu’à ce que mon niveau soit suffisant. Je n’ai jamais été une personne très scolaire, j’ai l’impression de… De revenir des années en arrière.”

”Vous avez toujours été assidue dans vos entraînements. Ce n’est pas la même chose que de tirer avec une arme à feu ou de ramper dans la boue, mais ce ne devrait pas être infranchissable, surtout pour une personne tel que vous. Devenir une héroïne devrait être une formalité presque, même si votre alter est encore récent.” Il vint à saisir doucement une cigarette, avant de se l’allumer sans autre mesure, pour en tendre une à la demoiselle. ”Vous fumez non ?”

”En effet. J’ai pris cette habitude dans les mois qui ont suivit mon arrivée. Cela m’a bien aidé à l’époque pour m’intégrer auprès des autres. Mais… Je vais essayer d’arrêter, surtout si l’on attend que je sois un modèle…”

Il lui tendit et alluma la cigarette, avant de profiter un peu d’une dose de nicotine, pour reprendre rapidement :

”Soyez avant tout vous même, celle que vous avez toujours été. Celle qui ne demeure pas impassible devant un crime, même durant un jour de repos ou malade. Vous êtes toujours intervenue et avez protéger les civils. Les opérations au Bhoutan ont sauvées de nombreuses vies, malgré ce que les histoires racontent, mais ce que vous allez faire là-bas… En plus de servir votre pays, vous allez vous servir vous-même ! Etre une héroïne, c’est directement dans votre âme ! Je me demande même pourquoi vous ne vous êtes pas directement engagée dans cette voie, mais bon, on ne refait pas le passé maintenant.”

”Difficile à croire maintenant que j’ai eu ma période rebelle au lycée. Rien de bien grave, mais… J’ai l’impression d’être devenue une autre personne. Surtout avec les histoires que l'on raconte sur moi maintenant.”

”Oh ne vous en faites pas. L’armée a changée beaucoup d’hommes de femmes, en bien comme en mal. Votre histoire tient la route, surtout qu'ils ont laissés quelques failles pour que le Japon puisse prendre parti pour vous. Mais de toute façon, cela leur ferait déjà trop plaisir d'exhiber une exilée chinoise pour ternir notre réputation, sans se douter du reste... Quand partez-vous ?”

”Dès que possible. Je vais prendre contact avec l'ambassadeur du Japon, et normalement, la semaine prochaine je serais à Tokyo. Et peut-être même avant.”

”Tout un programme… Ne gâchez pas cette chance lieutenant, ne gâchez pas le fait que vous allez devenir qui vous devez être. C’est votre place en ce monde qui va se jouer là-bas…”

Eté 302 – Municipalité de Tokyo – Japon

Battery.

C’était le surnom qui lui avait été finalement attribué, rapportant immédiatement à son alter. L'inscription, soigneusement imprimée sur le certificat correspondant à sa récente licence héroïque, réussissait souvent à captiver son regard lorsqu'elle se perdait dans ses pensées, allonger sur le lit de son appartement. Et dire que cela ne faisait que trois jours qu'elle avait obtenu cette distinction. Seulement trois journées... Mais maintenant, les choses sérieuses allaient pouvoir commencer. Elle allait pouvoir rendre tout ce qui lui avait donné, elle allait pouvoir voler de ses propres aîles !

Mais pourtant, une boule dans son ventre subsistait alors qu'elle peinait à trouver véritablement le sommeil qu'elle avait abandonné pour le moment, se réfugiant dans un livre policier de sa langue natale. Etait-ce la pression d'être finalement complètement autonome ? D'être maintenant livrée à elle-même ? Ou bien était-ce cette enveloppe qui était arrivée dans sa boîte aux lettres ? Elle ne pouvait se tromper à ce niveau là... C'était une missive de l'empire céleste à son égard. Elle avait réussie à s'infiltrer, elle avait réussie à s'investir, mais maintenant... Elle allait devoir officieusement jouer sur les deux plans. Elle ignorait pour tout dire ce qui allait lui être demandé. Peut-être pas grand chose, peut-être le pire, elle n'en savait rien.

Mais au moins, dans toute cette histoire... Elle s'était prouvée une chose. Qu'elle était capable. Gagner une licence au Japon n'avait pas été une tâche si aisée, surtout avec les restrictions qui s'étaient écoulées dans le courant de l'année. Elle l'avait fait par ses propres moyens, donc de quoi avait-elle besoin de se plaindre ? Elle avait un appartement à son nom, un véhicule de fonction, le renouvellement de son port d’arme, un alter intéressant et l'occasion de devenir une figure emblématique de la Chine sitôt que son affectation prendrait fin ! Elle avait énormément de chose pour elle et forcément, si elle venait à recroiser sa dernière conseillère d’orientation, elle aurait le privilège de lancer un regard froid et soutenu pour la défier, lui demandant implicitement si elle révisait son jugement ou non…

En fait, elle n'en savait rien de comment les choses allaient évoluer. Elle devait servir la Chine, c'était sa première ambition, son but dans la vie, ce qui faisait que chacun de ses pas se faisait non ? Mais de l'autre... Jusqu'où serait-elle prête à aller ? Il y a une année, aucune hésitation n'aurait été placée, mais probablement aurait-elle besoin d'une piqûre de rappel ? Elle n'en savait rien, mais elle devait limiter ses contacts avec sa nation. Lorsqu'ils auraient besoin d'elle... Ils sauraient où la trouver.

Autonome peut-être, mais seulement de façade...