Les rues de Russie, X, 9 ans.
La gamine, frêle, perdue et affamée regarde les passants et comprend que l’ignorance de chacun sera son bourreau. Elle a beau gémir et tendre la main avec le peu de force qui lui reste, tous détournent le regard. En même temps, pourquoi perdraient-ils leur temps avec un orphelin ? Si elle ne meurt pas de faim, le froid se chargera de son cas et un autre gosse prendra sa place le lendemain. Encore et encore, tel un cycle perpétuel. La gamine, bien que jeune, comprend parfaitement cette fatalité pourtant, elle s’accroche à la vie, priant silencieusement pour qu’un miracle salvateur la sauve de cette misère mortelle.
Qui aurait pu croire que ce miracle prendrait la forme d’un gamin, à peine plus âgé que la gamine ? Sans savoir pourquoi, il lui tend la main, lui offre un monde remplit de promesses. Il la rassure, lui promet qu’elle ne sera plus jamais seule, qu’elle n’est pas une victime, ni une survivante, mais une battante.
Terminé les foyers et les familles abusives, là encore, il lui promet d’être sa famille, le pilier sur lequel elle pourra compter. La gamine, avide de cette chaleur, accepte tout. Le prénom qu’il lui offre, sa main, ses bras et l’accompagne sans même se retourner.
Qui aurait pu croire que ce miracle serait sa malédiction ? Ne dit-on pas, après tout, que la limite entre amour et haine est infime ? Son amour, sa douleur, Anton Aleïksei Volkov.
Archive du sujet n°35, Jade X, 12 ans
La caméra de sécurité reste fixe et enregistre ce qui sera pour la fillette les prémices d’une longue et horrible année. Elle ne peut ressentir le froid glacial de la pièce bétonnée, uniquement éclairée par une faible ampoule fixée au plafond, peignant ainsi ce décor d’un sentiment sordide. La gamine, elle, peut néanmoins voir et ressentir tout cela. Bien qu’elle tente de le cacher, elle est terrorisée. Assise sur une chaise matelassée, elle attend que la femme dans son strict tailleur lui adresse la parole.
« Bonjour Jade. Je suis Anastasia Rid, je vais me charger de ta supervision pendant tes années de formations au sein de notre Organisation. Cette conversation sera enregistrée afin de collecter un maximum de données. » Annonça cette inconnue en posant un petit boitier noir sur la table. « Bien, maintenant, regardons ton dossier. Mmhh, je vois. Mmh. A ce que je vois, tu ne possèdes pas le profil type que nous recrutons d’habitude. Une fille banale, cheveux vénitiens, des yeux rouges, il semblerait que tu aies des traits albinos. Une peau blanchâtre et il est noté que tu possèdes une faible condition physique. Et niveau mental ce n’est pas mieux… Tu agis par instinct et ne réfléchis pas aux conséquences, tu vis constamment dans la peur et dans ce cocon que ton camarade Anton a créé autour de toi. Timide et réservée, tu as du mal à te mêler avec les autres. Bref, la question que mes supérieurs se posent est la suivante : que faire de toi hm ? Car là où ton jeune camarade nous intéresse par sa force mentale ainsi que son alter, toi… » Demanda Anastasia avant de laisser un silence théâtral s’installer, puis, reprit la parole. La fillette, quant à elle, demeurait muette, silencieuse comme lorsqu’elle devait survivre dans la rue.
-« Mais, vois-tu, il y a un facteur qui joue en ta faveur : tu possèdes un alter qui, une fois bien maîtrisé, deviendra un atout redoutable. Sans oublier que ce gosse refuse de coopérer sans ta présence, sacré fidélité dans votre situation désespérée. Bref, pour te résumer la chose simplement, tu es de l’argile et je suis celle qui doit te donner forme. Suis-moi. » Ordonna l’agent en conduisant la jeune fille au niveau d’une porte où attendait une femme en tenue de combat.
« Voilà ce qui va se passer Jade : tu seras formée par l’agent Ditrish. Tu devras l’écouter et suivre la moindre de ses instructions. Nous estimons que tu n’es pas capable, pour le moment, de suivre le même entraînement que les autres et avons pris la décision de te confier aux soins de l’une de nos meilleures formatrices. Tu es encore jeune, mais, je vais être franche avec toi, Jade. Nous pourrions te faire passer des épreuves, te briser et espérer que tu sois assez forte pour qu’on puisse te former à notre image mais… il y aurait peu de chance pour que tu sois saine d’esprit par la suite. Ta nouvelle vie commence dès maintenant. » Termina l’agent Rid en laissant Jade aux soins de cette mercenaire qui allait devenir le deuxième pilier de sa vie.
Jade - 13 ans.
Une année peut tout changer, y compris moi. Adieu la fillette peureuse et incertaine qui n’osait même pas parler, la gorge nouée par la peur. J’avais eu peur au début de Natasha. Je pensais qu’elle allait me faire du mal, me torturer jusqu’à ce que je devienne froide et mortelle, comme dans les livres, mais la réalité était bien différente. Les entraînements étaient intenses, mais nécessaires. Mais le plus important : ils étaient justes. Si j'échouais, elle restait debout et m’ordonnait de recommencer jusqu’à ce que je parvienne à surmonter son épreuve. Pas de coups, ni de tortures psychologiques. Je devais développer mes instincts, apprendre à traquer, chasser, tuer et surtout, accepter ou non le chemin que j’avais emprunté en suivant Anton. Je n’étais pas née pour tuer, je n’y prenais pas de plaisir, quand bien même je n’avais ôté la vie qu’à des animaux, pour le moment. Une vie se doit d’être respectée, peu importe laquelle.
Mais… si j’étais parfaitement franche avec moi-même… j’aimais traquer, cette adrénaline et cette sensation de puissance, de contrôle… Au final, la décision d’accepter cette nouvelle vie s'imposa d’elle-même. Oui, j’en voulais plus. Physiquement, je n’avais pas tellement changé si ce n’est mon regard qui semblait plus dur ainsi que ma posture qui elle, était plus assurée.
Le Docteur Rid m’avait prévenu que j’étais prête à m'entraîner avec les autres, que j’allais pouvoir retrouver Anton… ce qui devrait logiquement me rendre heureuse, non ? Alors pourquoi la seule chose que je ressentais était ce vide immense, cette froideur… cette impression que rien ne pouvait m’atteindre, comme un monde à l’envers dans lequel je n’étais que simple spectatrice de mes faits et gestes ? Étais-je restée trop loin des individus afin de me sentir connectée à eux ? Ou avais-je peur de perdre celle qui représentait une forme maternelle à mes yeux ?
« Fragile ? Tu es prête ? » Demanda Nat’ en tenant la porte ouverte de cette chambre que j’avais occupé. Mon sanctuaire qui avait partagé mes pleurs, mon désespoir et ma douleur… mais aussi mes rires, mes joies et mes espoirs.
Étais-je prête ? Oui, je l’étais. Oui, je le voulais.
Because i’m Fragile… but i’m not “that” fragile.
Jade - 17 ans.
« Alors, ça s’est bien passé ? » Demanda Nat’ en croisant les bras, attendant ma réponse en jouant avec ses ongles, un tic qu’elle avait lorsqu’elle abordait des sujets sérieux.
Que pouvais-je lui répondre ? Ces jeux étaient barbares et loin d’être légales mais, tout était sous couvert de l’Organisation, aucune chance pour que la moindre information fuite. Nous étions une dizaine d’équipe composée de deux membres. Bien entendu, je ne comptais pas y participer sans Anton. Le but ? Survivre aux divers pièges et tuer tous les survivants afin qu’il ne reste qu’une seule équipe victorieuse. Plusieurs sessions dont le but était de déterminer le rang de chaque participant pour finalement avoir dix équipes gagnantes. Une méthode simple afin d’éliminer les plus faibles à laquelle nous étions tous obligés de nous plier. Fronçant les sourcils, je me recadrais mentalement sur la question de ma supérieure. Bien passé ?
Oui, puisque nous étions les survivants de notre session. Nous avions passé des jours à lutter contre la nature, les pièges et nos adversaires. Dans la rue, nous avions appris à nous débrouiller par nous-même mais là… c’était une autre histoire. Pas de magasins à voler, des tempêtes de neiges et des ressources vitales quasiment inexistantes. Je m’étais néanmoins redécouverte lors de ces jeux. J’avais enfin eu la possibilité de mettre en action tout ce que Natasha m’apprenait lors de nos entrainements et je m’étais sentie vivre, exaltée par l’attrait de traquer une cible qui savait qu’elle allait mourir et qui tentait désespérément de survivre en contre attaquant ou parfois en fuyant.
Mais, si ses épreuves m’ont bien appris une chose essentielle, ce serait que personne n’est à l’abri. Vous pensez être le prédateur chassant un gibier ? Et bien sachez que derrière votre dos, il y a probablement une créature pensant la même chose de vous. J’aurais pu faire comme beaucoup et fuir pour sauver ma vie mais… à quoi bon ? Suivant mon instinct, j’avais mené de rudes combats en usant parfois de l’avantage du terrain afin de remporter la victoire. Contrairement à ce qu’on peut vous faire croire, il n’y a pas d’honneur dans une bataille, seule la survie importe.
Et que dire des morts ? Pas grand-chose au final. Tué ou être tué, au final tout s’était résumé à ça. Retirer la vie ne m’avait procuré aucun plaisir mais je ne me sentais pas coupable pour autant. Nous avions survécu avec Anton et eux, non. Chacun avait ses motivations mais nous avions tous signé en connaissant les risques.
Reportant mon regard sur Natasha, je lui souriais faiblement à travers les divers bandages. Une épaule démise, plusieurs côtes cassées, des sévères engelures, plusieurs coupures dont certaines s’étaient infectées, une déshydratation sévère…
« Ça a été. » Déclarais-je d’une voix assurée.
Because i’m Fragile… but i’m not “that” weak.
Jade - 20 ans.
Vous savez, j’ai toujours pensé que je faisais parti de ces personnes qui ont la tête sur les épaules, qui connaissent la valeur de la vie. J’avais tellement tort. A l’époque, je n’étais qu’une gamine qui découvrait l’attrait de la puissance, de l’argent et de l’amour. Comment, alors que ma vie était plus resplendissante que jamais, aurais-je pu imaginer le tournant qu’elle prendrait ?
La puissance. Ayant survécu à cet hunger game, nous avions avec Anton acquis une certaine réputation ainsi qu’une plus grande liberté. Nous étions pucés par l’Organisation afin de pouvoir tracer nos mouvements et, le cas échéant, avoir la possibilité de nous tuer d’une simple pression grâce à la bombe implantée dans celle-ci. Une mesure efficace afin de prévenir toute rébellion. Anton, au vu de ses capacités, de son esprit ainsi que de son leadership, était considéré comme le numéro un, le modèle que nous devions tous fixer. Pour ma part, j’étais quatrième.
L’argent. Oh, nous étions bien loin de nos conditions précaires. Une envie ? Il suffisait d’user de notre fortune pour la satisfaire. On vous dit à tous que l’argent n’achète pas le bonheur. Et bien, pour avoir vécu dans la pauvreté et dans la richesse, je peux vous assurer que c’est faux.
L’amour. Au départ, nous étions deux gamins paumés, deux âmes déchirées par la vie. Nos blessures, nos cœurs écorchés ont trouvé écho l’un dans l’autre, comme une évidence. Puis, en grandissant, la fidélité, la confiance ainsi que l’attachement se sont raffermies. Très vite, les deux gosses sans repères que nous étions avons créé notre propre famille. L’adolescence… ce fut probablement à ce moment-là que notre relation prit une nouvelle tournure, plus intense, plus… dévorante. L’amour… est un sentiment terriblement fort et pourtant, j’allais apprendre à mes dépends qu’il peut tout aussi bien détruire que réunir.
Because i’m Fragile… but i’m not “that” alone.
Jade Volkov - 21 ans.
« But when someone you love disappears, it's lonely »
J’ai merdé. En beauté et dans tous les domaines. Enivrée par l’argent et notre nouveau statut, je n’ai jamais tenu compte de ses avertissements et résultat, Anton se retrouve en prison à cause de moi. Je n’ai jamais imaginé que les évènements puissent tourner de manière aussi dramatique. Et pourtant… Pourtant, on vient de m’enlever ma moitié et l’Organisation attend de moi une inertie totale. Vous imaginez ça ?! Comme si j’allais rester les bras croisés pendant que mon mari subit les pires tortures dans je-ne-sais quelle prison !
-« Pour le meilleur et pour le pire. » Déclarais-je en faisant tourner délicatement ma bague avant de me redresser pour saisir mon téléphone. J’ai un but, des moyens et des connaissances, rien ne m’arrêtera temps que je ne l’aurais pas retrouvé.
Because i’m Fragile… but i’m not “that” clever.
Jade Volkov - 23 ans.
Deux années. J’étais naïve à l’époque de penser pouvoir le retrouver en quelques mois. Comme-ci c’était si facile de tracer une prison non répertoriée. J’ai fait tout mon possible pour garder la tête hors de l’eau, ne pas me laisser emporter le désespoir et, finalement, j’ai enfin eu le signe dont j’avais besoin pour me booster.
J’entre dans le bar miteux, perdu en pleine Russie et mon regard se porte directement sur mon époux. Anton tient à peine droit sur le siège et, malgré son sourire lorsqu’il m'aperçoit, il s’écroule dans mes bras, vidé de la moindre parcelle de son énergie. Entre l’Organisation et notre fortune que j’ai dilapidé dans mes recherches pour retrouver mon homme, notre situation est critique mais, la meute est enfin réunie.
Deux longs mois ont été nécessaires à son rétablissement, afin qu’il reprenne une apparence décente et, malgré ses cauchemars la nuit, j’ai l’impression de retrouver petit à petit l’homme que j’ai épousé. Néanmoins, alors qu’il souhaite retourner auprès de l’Organisation pour faire amende honorable et récupérer nos places, je ne pense qu’à le venger.
Avec du recul, je me rends compte de la stupidité de mes envies et de la situation, mais, que voulez-vous, l’amour rend aveugle, n’est-ce pas ?
Mais, à cette époque, je m’en fichais, seul m’importait la destruction de cette maudite prison et de ses gardes qui avaient fait souffrir ma moitié. Peu importe mes années d’entrainements sur mes prises de décisions sanguines, rien n’aurait pu m’empêcher de foncer tête baissée, emportée par l’ivre de la rage.
Je n’ai jamais autant usé de mon alter que ce jour-là. Accompagnée de plusieurs mercenaires, nous les avons massacrés, un véritable bain de sang. Ce jour-là, j’ai compris une chose importante, je n’étais pas qu’un accessoire d’Anton. Depuis le début de notre formation, de notre vie, j’avais moi-aussi embrassé cette voix car je le souhaitais. Moi qui pensais suivre les désirs de mon homme aveuglément, je me trompais lourdement.
Et puis, la réalité me rattrapa et brisa mes rêves naïfs. Ahh, le karma, élément cruel mais pourtant inéluctable.
Because i'm Fragile... but i'm not 'that" kind.
Jade Volkov – 23 ans, un mois après.
Enfin ! Après toutes les épreuves que nous avons surmontées, nous allons enfin pouvoir nous retrouver. Et puis, il y a cette nouvelle qui risque de tout changer… pourtant, pour une fois, le changement ne me fait pas peur, au contraire, j’ai hâte !
J’ouvre la porte du chalet dans lequel j’ai laissé Anton il y a plusieurs jours et m’arrête net en le voyant debout dans son costume habituel, entouré de plusieurs membres de l’Organisation. Les Nettoyeurs existent afin de nettoyer les scènes de crimes pour qu’il ne reste aucune preuve, ce sont de véritables pros qui sont rodés dans leur job. Pourquoi… ? Mon regard se fixe sur mon mari et un frisson remonte le long de mon échine face à son regard glacial.
-« Anton… ? » Murmurais-je, perdue.
-« Jade, tu aurais dû rentrer avec moi lorsque je te l’ai demandé. Tout ça… ce n’est pas ce que tu crois et tu as échoué. Il faut que tu te rendes, ce serait mieux, pour tout le monde. » Déclara mon homme en continuant de me fixer froidement, distant.
-« Quoi ? Je ne comprends pas. Je- » Répondis-je en plaçant ma main sur mon ventre instinctivement pour nous protéger. Car oui, j’étais probablement naïve à l’époque mais, je n’étais pas stupide. Seulement, je refusais de faire face à la réalité, elle aurait brisé mon cœur et broyé mon âme.
Bien qu’au final, c’est ce qui s’est passé. Aimer, c’est confier un pouvoir à une personne tierce. Et si, à l’époque, je ne comprenais pas les risques d’offrir son cœur et la douleur qui pouvait en découler, j’en suis parfaitement consciente de nos jours.
Ce fût moi qui déclencha les hostilités. Sous le flux des émotions, mon alter s’est manifesté et les Nettoyeurs ont riposté, tout ça sous le regard d’Anton qui s’est contenté de simplement… être témoin, sans jamais prendre ma défense. Il fallut qu’une balle frôle mon bras pour qu'il réalise la situation dans laquelle je me trouvais et le danger qui planait sur ma tête et sur celle qui grandissait dans mon ventre.
Le véritable chaos naquit au moment précis où je pris la décision de sortir d’ici vivante, peu importe les conséquences. Seule, je serais passive, acceptant mon destin afin de taire cette douleur qui vrillait mon cœur. Mais, la vie qui grandissait en moi changeait absolument tout.
Tout objet métallique dans la pièce se projeta contre les murs, les armes firent feux à l’aveugle et cette diversion me permit de prendre la fuite en décollant dans le ciel, brisant mon cœur un peu plus pour chaque mètre englouti.
Because i’m Fragile… but i’m completely lost without you.
Jade – 24 ans, un an après.
Mikhaïl continue de pleurer et moi, je continue de planer, hermétique à quoi que ce soit d’autre que la drogue qui coule dans mes veines. Le monde peut bien prendre feu ou se détruire, je m’en balance, seule ma liberté m’importe, le seul moment où ma douleur s’atténue pour disparaitre dans les méandres de mon imagination. Et oui, les drogues sous ses formes les plus dures sont devenues mes meilleures amies. Néanmoins, à mon plus grand désespoir, elles ne parviennent pas à faire disparaitre le bruit de pas dans ma direction.
Ah ! Je peux sentir son regard et le jugement qui s’y accorde. Va te faire foutre !
-« Alors, c’est ça ta vie ? Je t’ai donné un lieu où vivre, au risque de me faire prendre pour trahison envers l’Organisation. Je l’ai fait car tu es comme ma fille pour moi. Et maintenant… tu perds ton temps et l’argent que je t’envoie pour… quoi ? Te droguer comme l’épave que tu es, oublier tes responsabilités de mère ? Tu fais pitié. Si c’est ce que tu souhaites, si c’est cette vie à laquelle tu aspires, tu aurais mieux fait de te laisser crever ce jour-là. Au moins ton gosse n’aurait pas à te supporter. » Déclara la toute puissante agent Ditrish, Ô grande donneuse de leçons.
Va.
Te.
Faire.
Foutre.
-« T’cas… l’prendre, j’m’en fous. » Mentis-je afin qu’elle me laisse en paix profiter de ces instants de répits.
-« Ce serait tellement plus facile hein ? Mais, non, je n’en ferais rien. C’est ton gosse, ta responsabilité. Je ne t’enverrais plus d’argent à partir de ce mois-ci, tu es seule Jade, sors-toi les doigts du cul putain. Je sais qu’il te manque mais, bon sang, reprends-toi en main ma fille. »
Et me voilà de nouveau seule, pourtant, je sais que ma paix est brisée lorsque son souvenir perfide s’invite dans mes pensées. A-t-il conscient de m’avoir brisé ? Sait-il que sans son amour et sa présence, je ne suis rien d’autre qu’une coquille vide ? Les larmes coulent, traitresses de mon état et les cris de mon fils reprennent. Anton… pitié.
Because i’m Fragile… but i’m a piece of shit.
Jade – 24 ans, un mois après.
Je soupire, repousse les factures qui s’entassent et sens mes mains trembler sous l’effet de manque. Entre le petit boulot que j’ai trouvé dans une supérette, Mikhaïl, le manque et l’argent qui nous manque, ma vie est un véritable enfer. Bye bye la super agent Russe et bonjour la toxico qui croulent sous les dettes, sans parler de ma consommation de drogue que j’ai volé dans un instant de manque et surtout, de stupidité. Mon garçon étant couché, je laisse mes yeux se fermer quelques minutes, juste pour les reposer… un tout petit moment.
Un rire me réveille en sursaut et je sens ma tête cogner contre l’embout d’un gun. Ma respiration se bloque, le rire redouble.
-« Et bien, et bien. Qui m’aurait dit que ma proie du jour serait si frêle et fragile ? Bien loin de ce monstre qui aurait dévalisé ce stupide vendeur de drogues. Tu sais, petite chose, tu as vraiment été stupide. Voler une fois, ça peut passer mais de manière aussi répétée… stupide. Enfin, peu importe. Tes dernières volontés ? » Demanda froidement cette inconnue. Déboussolée, j’allais user de mon alter lorsqu’un bruit me glaça le sang, mon fils m’appelant à travers le salon, probablement réveillé à cause du bruit. « Hm, je n’aime pas faire ça mais… on ne néglige pas le travail. » Reprit cette folle en sous-entendant que Mikhaïl était le prochain sur sa liste.
Pas.
Moyen.
J’utilise mon alter afin de faire dévier la prise sur son arme, empoigne le cendrier sur la table pour l’écraser sur sa tête et use de mon pouvoir afin de projeter tous les couteaux de cuisine sur mon adversaire. Sans savoir comment, de l’eau surgit et la protège avant que mon attaque puisse l’atteindre. Une lutte sans merci s’en suit où chacune tente de prendre le dessus sur l’autre afin de lui porter un coup fatal. Malheureusement, mes maigres réserves s’épuisent vite, mon souffle devient hiératique et mes membres tremblent à cause de l’effort. Finalement, une de ses attaques m’atteint à l’épaule et je m’effondre dans un cri de souffrance.
-« Et bien, et bien… qu’avons-nous là ? La petite chose fragile aurait-elle des dents, finalement ? Quelle surprise ! Bon, des dents émoussées qui ne seraient même pas capable de déchirer sa proie mais… tout de même, ton alter et ton potentiel sont impressionnants. Sans parler des poses de combats que tu prenais par réflexes. Tu as été entrainée à te battre et bien que ton cerveau l’ait oublié avec ta drogue que tu t’envoies tous les jours, ton corps, lui, se souvient. » Déclare mon adversaire à la peau… bleue ?
-« Dis-moi, désires-tu sauver la vie de ton gosse et la tienne ? N’en as-tu pas marre de cette vie misérable ? Ne souhaites-tu pas acquérir des crocs capables de tout déchirer, n’importe quel adversaire ? »
Bien que je désire ardemment sauver nos vies, son discourt trouve échos avec les songes de mon passé. Accepter la mort, ici et maintenant ? Ou bien, prendre le risque d’accepter une main encore une fois afin de se relever ? Je ferme les yeux en entendant les cris et les pleurs de Mikhaïl. Non. Je refuse de baisser les bras, pas tant que j’aurais une once de vie. La femme sent que mes muscles se relâchent et peut-être voit-elle dans mes yeux la flamme qui se ravive, prête à tout consumer. Son alter disparait et je tombe sur le sol, épuisée.
-« Parfait. Je m’appelle Kate.
Kate Leonhart et… toi et moi, très chère, allons réaliser de grandes choses. » Déclare cette inconnue sortie de nulle part en me tendant la main.
Main que j’agrippe, bien décidée à renaître de mes cendres.
Because i’m Fragile… but i’m not « that » dead.
Jade – 28 ans.
-« Alors, tu pars ? » Demandais-je en croisant mes jambes, détendue.
-« Et bien, et bien. Oui, le Japon m’ennuie. Je pourrais diriger Moon Shine depuis l’Europe tout en profitant d’un terrain de chasse plus luxuriant. Avec tous ces héros qui trainent ici, presque tous les Vilains ont décidé de faire profil bas. Tout est en place de mon côté. Le tien ? » Demanda Kate en se versant un verre de vin rouge.
-« Puisque tu me l’as demandé encore une fois, j’ai refais vérifier la puce et je te confirme qu’elle a bel et bien été désactivée lors de l’utilisation de mon alter. Aucun risque au niveau de l’Organisation donc. Ditrish… n’est pas idiote, elle se doute probablement de certains éléments mais, elle ne viendra pas creuser, je pense. Auquel cas, j’ai toute confiance en elle, je lui dois la vie à elle aussi. Mikhaïl a eut six ans il y a deux mois et son alter commence tout juste à se stabiliser, ce qui m’arrange bien, j’en avais vraiment marre de changer toutes les pièces métalliques ! »
« Parfait. De mon côté, j’ai envoyé un message à
@Strauss McIntyre afin de le prévenir du changement qui allait se produire. Il est… c’est un chien foufou avec une tendance à s’attaquer à plus fort que lui, il faudra donc que tu réfrènes ses ardeurs mais, il est fidèle. Je te laisse aussi… une surprise. Tout comme toi, il m’est arrivé de trouver un loup errant et de lui porter secours. Afin de me servir de son alter, ne va pas croire que je fais dans la charité hein… Cette gamine,
@Kikuchi Ran, sera un atout, crois-moi. Un peu comme le malabar que tu as trouvé dans ces laboratoires et dont tu refuses de te séparer malgré mes conseils. Et niveau business ? »
-« Je vois… j’ai hâte dit donc… » Déclarais-je ironiquement avant de boire une gorgée de vin blanc crémeux. « Et bien, les arènes se portent bien et l’argent coule à flot. Pour l’instant les héros nous laissent en paix. Ce qui est normal, je n’ai installé ce système d’arènes dans les égouts que depuis deux ans, tout est encore récent mais, je reste sur mes gardes. Alors… c’est un adieu ? » Demandais-je, chagrinée de perdre celle qui fût ma mentor et… une amie.
-« Allons Jade, pourquoi ce visage triste ? Tu as des crocs maintenant. Ils sont puissants et te permettront de protéger la meute de toute attaque. Je t’ai appris tout ce que je savais et si tu avais le même attrait que moi pour la chasse… hmmm… quel délice ça aurait été. Mais non, toi tu préfères la sécurité et la prospérité. Game on Jade, il est temps de montrer à tous que les Vilains sont présents. »
Because i’m Fragile… and you’re not ready.