Renshi Ema - Terminée

Éduquée dans les rues de Tokyo, dépourvue de toute richesse et de toute affection, la force de caractère d’Ema fut la clé de sa survie dans le monde dans lequel elle avait été jeté, tout autant que ses capacités à devenir invisible. D’une nature curieuse et aventurière, la volonté d’apprendre et de comprendre surpasse tout autre intérêt pour elle. Débrouillarde et agile, la jeune adolescente se contente de ce qu’elle trouve, que ce soit au détour d’une poubelle ou d’un tas de bricoles laissés sur les trottoirs par des gens aisés.

Survivre dans les rues de la capitale n’est pas aussi difficile qu’on peut se l’imaginer. Cependant, en sortir, se trouver un logement et se construire un avenir dans de telles conditions relèvent d’une force d’esprit et d’une volonté éprouvée par la vie.

Se retrouver dans l’école Yuei ne fut pas une bénédiction ou un vœu exaucé d’une prière faite par Ema. Bien au contraire, elle s’était battue des années pour s’éduquer en conséquence, après avoir appris sa vraie nature d’Alter. Elle volait pour se nourrir certes, trompait et se cachait pour survivre, mais elle s’instruisait également, en échangeant des biens de valeurs contre des livres ou des informations qui circulaient. L’école de Yuei était pour elle une échappatoire à la rue et à son enfance. Pour autant, elle ne voulait pourtant pas devenir une Héroïne connue. Sa seule optique était de réussir à maîtriser ce qu’elle savait à présent être un pouvoir d’invisibilité, afin d’en vivre.

De par son errance, Ema reste tout de même un être fragile, très maigre et sans teint, qui préfère la solitude et le confort de sa propre personne à la foule. La confiance est un lien qu’elle ne partage peu voire pas du tout. Elle n’est ni populaire, ni intéressante, elle ne dispose pas de qualités extraordinaires ni d’attraits physiques exaltants. C’est une adolescente normale, qui se fond aisément dans la foule, ni petite, ni grande. Sa maigreur est cachée par ses vêtements amples qu’elle « emprunte », tout comme sa façon de se tenir et de parler reste conventionnel. Elle est à l’image de son don : invisible.

Fille de pêcheurs, élevée sur les docks, l’avenir de la jeune Renshi Ema était déjà tout tracé alors qu’elle n’était encore qu’une enfant en bas âge. Elle serait amenée à marier le fils d’un des concurrents directs de l’entreprise familial afin de créer une fusion entre les deux groupes. En grandissant, elle était élevée dans cette optique, suivit de près dans son développement par sa mère qui était l’une des instigatrices de cet accord. Très ancrée dans leurs traditions et coutumes, proches des règles de l’ancien temps, la famille Renshi se distinguaient par leur tenue en société et leur volonté élitiste de se démarquer de la populace commune et de ces Alters qui froissaient l’image glorieuse des êtes normaux par leurs pouvoirs inhumains.

C’était sans compter sur Mère Nature qui a joué un vilain tour à la progéniture Renshi.
À l’âge de quatre ans, Ema se découvrit un talent hors du commun qui lui emplit alors tous ses cauchemars. Certaines fois, lorsqu’elle ne désirait pas se coucher si tôt, lorsqu’elle voulait rester aux côtés de son jouet préféré laissé dans l’espace commun ou encore lorsqu’elle avait peur de recevoir une punition de son père, elle se cachait. Sans s’en rendre compte, elle utilisait son pouvoir d’Alter, l’invisibilité. Cependant, comme elle ne comprenait pas ce phénomène à son âge, elle avait peur, parce qu’une fois cachée, elle ne voyait même plus ses bras ou encore son reflet dans la glace. Le traumatisme engendré ne suffit néanmoins pas à l’empêcher de continuer à vouloir se cacher de son paternel qui devenait de plus en plus violent au fur et à mesure des années qui s’écoulaient.

S’imaginant qu’un esprit malsain vivait au sein de leur foyer, les parents de la jeune Ema devenaient presque fous. Ils entendaient des bruits étranges, voyait des traces de pas au sol, voyait les portes bougées sans raison ou encore des objets disparaître et réapparaître devant leurs yeux. Des fois, ils entendaient des murmures d’enfant dans le silence de la nuit. Ce ne fut que lorsque le père d’Ema, muni d’un large couteau pointu, suivant les traces de pas au sol qui se dévoilait devant lui, vit finalement la transformation de sa jeune fille devant ses yeux, passant d’une entité invisible à l’homme à sa progéniture sur laquelle reposait tout l’espoir d’une famille prêt de la ruine.

Ema, ayant vécu ainsi pendant des semaines, ne s’était jamais rendu compte que tout ce qu’elle vivait n’était pas le fruit de quelque chose de normal. En revanche, son père, lui, compris immédiatement que sa fille était un de ses monstres qu’il détestait en secret. Les parents, apeurés, furieux et impuissants face au destin, ne réagirent que de la manière qu’ils connaissaient : la violence.

Apparue devant ses yeux, le père émit un cri d’effroi aussi fort que succinct, pour finalement prendre les choses sous son contrôle. Des paroles de haine et des ordres sans queue ni tête sortaient de la bouche de son père, qui préparait sa main droite à frapper le corps frêle et sans défense de sa petite fille.

Les années passèrent lentement, sous les coups de pieds et de bâtons, les hurlements et les insultes de ses parents. Cantonnée dans sa chambre qui ne contenait qu’un lit et une chaise, il lui était interdit d’utiliser son don ni d’en parler à qui que ce soit, bien qu’elle n’eût aucun ami. Frappée et humiliée jour après jour, sous les coups d’un père devenu alcoolique et sous les insultes d’une mère qui faisait le deuil de sa fille, Ema se retrancha au plus profond de son esprit, apprenant à ses dépends qu’elle n’était pas normale.

La jeune Ema n’était plus une petite fille lorsqu’elle fut abandonnée par ses parents.
Au détour d’une ruelle malfamée, dans une ville située loin du foyer familial, la jeune orpheline plein de bleus et d’entailles légères fut jetée de la voiture de son père dans la nuit noire. Là, la liberté s’ouvrit à elle. La liberté de se forger un caractère et une vie, dans la misère et la pauvreté, dans le secret et l’invisibilité.